10 mars 2016, Recrutements sur les postes en Études de défense

En réponse à une annonce de postes en Études de défense en Grande-Bretagne, le débat suivant a eu lieu sur la liste

Question

« Bonjour,

Je me permets à ce sujet de lancer un débat qui a peut être déjà été lancé et relancé, c’est la question du niveau des candidats sur ce type de poste dans le monde anglophone. J’ai eu confirmation qu’il était inutile et pure perte de temps de postuler pour les chercheurs francophones qui n’ont jamais rien écrit en anglais, et si tel était miraculeusement le cas, qui n’ont pas leur articles dans des peer review là bas.

Je pense qu’il n’est pas inutile de souligner ces préalables qui semblent indépassables aujourd’hui, au King’s college comme à St Andrews ou Edinburgh ».

Réponse

Bonjour,

Le problème, me semble-t-il, n’est pas celui du « niveau des candidats » mais celui de l’insertion dans des espaces de recherche et d’enseignement.
Le fait de ne publier qu’en français n’est pas le signe d’un « bon » ou d’un « mauvais » niveau (si tant est qu’on puisse porter des jugements aussi schématiques et surplombants). C’est d’ailleurs tout aussi vrai pour l’anglais.

En ce qui concerne les postes à Saint Andrews ou King’s, il me semble logique voire évident que des publications et des enseignements en anglais soient attendus dès lors que l’environnement de travail est anglophone. Mais notons tout de même que de plus de plus en plus chercheurs français et francophones (notamment en RI et études stratégiques) publient dans les deux langues (français et anglais), et donc sont potentiellement employables aussi bien en France que dans les pays où l’environnement de travail est majoritairement ou essentiellement anglophone.

En RI et en études stratégiques, la rareté des postes les conduit souvent à préférer publier en anglais car ils estiment avoir plus de perspectives d’insertion professionnelle à l’international qu’en France, où à l’inverse les publications en français comptent plus que celles en anglais. D’où un paradoxe relevé de manière incidente : nous avons de plus en plus de jeunes chercheurs français ou installés en France qui travaillent sur les questions internationales et stratégiques, veulent faire des thèses, mais il y a très ou trop peu d’enseignants-chercheurs susceptibles de les encadrer… Donc ils partent se former à King’s, Saint Andrews, etc.

Pour revenir sur le problème de la langue, qui est bel et bien un enjeu hautement scientifique : sur les questions que j’étudie (RI, études stratégiques, théorie politique) et, c’est sans doute vrai pour d’autres domaines, il est difficile de faire l’impasse sur les publications en anglais, dès lors que les débats scientifiques, à l’échelle globale, se déroulent majoritairement dans cette langue. On peut évidemment s’interroger sur cette domination de l’anglais et pour ma part je reste attaché à la publication en français, bien que cela ne compte pas dans le fameux « H-Index ». On peut aussi s’interroger sur le système du peer-review qui n’est pas exempt de critiques et de dérives, mais c’est un autre problème et qui n’est évidemment par propre à l’anglais puisqu’il est pratiqué aussi en France. On peut enfin évoquer la question de la traduction, qui reste un vrai sujet.

Quoi qu’il en soit, ne publier qu’en français, c’est limiter la discussion à l’espace francophone, et donc se priver de discussions fructueuses avec les collègues qui ne lisent pas le français et qui travaillent sur les mêmes sujets. Le rétrécissement (relatif) de l’espace francophone est sans doute un problème, mais pour finir, il me semble peu pertinent d’opposer publications en français et en anglais, et plus encore d’analyser ces contrastes en termes de « niveau ».