Ci-dessous, une dépêche AEF de ce soir 20h25, concernant les Assises nationales qui se sont tenues hier et aujourd’hui au Collège de France. En pièce jointe, trois documents rassemblant les 121 propositions discutées dans les trois ateliers correspondants aux axes définis par le ministère : « agir pour la réussite de tous les étudiants », « donner une nouvelle ambition pour la recherche », « redéfinir l’organisation nationale et territoriale de l’enseignement supérieur et de la recherche ».
Assises nationales : avec les débats sur les 121 propositions « se dessine le contenu du rapport » qui sera remis mi-décembre (Vincent Berger)
« Je retiens deux grandes idées à la sortie des assises. La première est la coopération, la seconde la responsabilité socia
le de l’enseignement supérieur et de la recherche », déclare Vincent Berger, rapporteur général des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, en conclusion des assises nationales, mardi 27 novembre 2012, au Collège de France, qui ont rassemblé 700 personnes. Le comité de pilotage a soumis au débat des trois ateliers de la veille 121 propositions sur la réussite des étudiants, sur la recherche et sur l’organisation nationale et territoriale de l’ESR. A travers ces propositions et « à la lumière des débats » des assises, « nous commençons à voir se dessiner le contenu du rapport » qui doit être remis au président de la République mi-décembre.
Pour Vincent Berger, ces assises « ne sont qu’une étape » car « la confiance ne se construira vraiment que sur des actes concrets, sur les décisions à venir » qui seront prises par le gouvernement, « sur l’écriture de la nouvelle loi et bien au delà ». Il souligne aussi que « la quantité des contributions, tout à fait considérable (près de 1 300 contributions, 25 rapports territoriaux, des rapports d’ateliers ou de focus) constitue un corpus d’une richesse très importante [qui] appellera sans doute des travaux d’analyse sur une échelle de temps beaucoup plus longue, travaux qui amèneront de nouvelles synthèses, et peut être même des travaux de recherche. »
LOI D’ORIENTATION AU 1ER SEMESTRE 2013
Clôturant les assises, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, relève « beaucoup de points de consensus », notamment sur la réussite en licence « sur laquelle des actions concrètes ont déjà été engagées ». « D’autres questions restent en suspens », note-t-elle. Elle cite notamment : « l’équilibre entre les jacobins et les girondins qu’il faudra trancher dans le cadre de l’acte III de la décentralisation » ; « la participation des personnalités extérieures à l’élection du président » ou encore les modalités précises d’élection. « Tout cela sera arbitré dans le cadre de la future loi d’orientation de l’enseignement supérieur et de la recherche » qui sera présentée au « 1er semestre 2013 ». Elle précise que « les arbitrages seront rendus en dialogue, sur deux principaux critères : le fait d’engager l’avenir des jeunes, et de respecter, voire susciter, la vitalité des écosystèmes locaux dans le cadre d’une vision stratégique européenne ».
Vincent Berger souligne aussi que des sujets n’ont pas été abordés. « Soit parce qu’ils nous paraissaient au delà de nos compétences, soit parce que d’autres groupes de travail sont missionnés sur ces sujets et qu’il convient d’attendre les résultats de leurs analyses ». Il cite notamment l’immobilier universitaire « avec la mission d’évaluation du plan campus », le développement durable, le transfert et la valorisation avec le groupe travail Tambourin-Beylat, et « évidemment la formation des maîtres (…) dans la mesure une nouvelle loi est déjà en cours d’écriture » (AEF n°174973 et n°175226).
Tout au long de son discours de plus d’une heure, Vincent Berger revient sur les 121 propositions formulées par le comité de pilotage, précisant, que certaines seront retirées ou modifiées suite aux débats, et que d’autres méritent encore réflexion et discussion. En voici des extraits :
« L’évaluation peut diviser et passionner la communauté ». Faisant référence au débat animé en atelier sur l’évaluation (AEF n°175216), Vincent Berger estime aussi que c’est « un sujet sur lequel il faut se méfier de l’escalade de l’engagement ». Le comité de pilotage « se contente à ce stade de rappeler certains aspects fondamentaux de l’évaluation » (AEF n°175178). Citant notamment le principe d’une évaluation « indépendante et en accord avec les principes généraux de déontologie », il relève que « même là dessus il n’y a pas complètement d’accord ». Ainsi Serge Haroche considère l’évaluation comme « un processus scientifique et pas un processus démocratique » (AEF n°175145), quand d’autres estiment qu’ « il ne faut pas avoir peur de l’élection, faisant fi implicitement du principe d’indépendance de l’évaluation en acceptant de lui donner un biais politique. »
« A propos de l’avenir de l’Aeres, il est impossible, manifestement, de dégager un consensus », note Vincent Berger. Mais il ajoute, après « les débats vifs d’hier » : « il faut prendre garde à ne pas réveiller des conflits entre universités et organismes de recherche, conflits qui appartiennent au passé. Il me semble donc essentiel d’avoir un accord partagé entre tous les acteurs sur ce sujet. »
« L’habilitation à diriger des recherches fait l’objet de nombreuses critiques. » Parmi ces critiques : « Ce n’est qu’une super-thèse sans plus de développement de compétences spécifiques liées à l’encadrement ou la direction » ; elle « accroît à l’inégalité entre les femmes et les hommes » ; elle « empêche de reconnaître à sa juste valeur le travail d’encadrement de doctorants par les jeunes chercheurs » ; elle « favorise le mandarinat ». « Néanmoins, nous prenons acte que la suppression de l’habilitation à diriger des recherches n’a pas fait l’objet d’un consensus complet dans les deux ateliers où elle fût débattue hier, et il faut donc peut être réfléchir à l’encadrement des doctorants sur d’autres bases », déclare Vincent Berger.
Quant à la procédure de qualification, « procédure très chronophage, appliquée pour certains mais pas pour d’autres », autrement dit les organismes de recherche, il retient qu’il est « possible de la supprimer à condition d’introduire des moyens convaincants pour lutter contre le recrutement local ».
« Revoir la formulation de ‘grande université’ ». Alors que le comité de pilotage propose de remplacer les PRES par des « grandes universités » (AEF n°175170), Vincent Berger retient que ce terme ne fait pas l’unanimité (AEF n°175255). « Pourquoi pas le mot ‘fédéral’ (…). Simplement, il faut reconnaître que l’appellation de PRES est incompréhensible et illisible, et comme plusieurs intervenants le rappelaient hier le mot ‘université’ est tout simple et universellement reconnu. » En outre, « bien évidemment les organismes de recherche ont plus que leur place dans ces universités (…), leur participation est indispensable, même s’ils n’apparaissent pas à ce stade dans l’énoncé même de la proposition 108 ». Et par ailleurs, « contrairement aux PRES, ces universités ont besoin de collégialité et de démocratie »
« L’émergence de grandes universités demande de la patience, de la détermination, un grand sens du service public pour surmonter les intérêts de chapelle qui peuvent subsister », relève Vincent Berger. « Elle demande aussi un cadre légal adapté. C’est l’objet de la proposition 108. »
« La signature d’un contrat tripartite État-collectivités-établissement n’a pas fait l’objet de consensus ». Cette proposition « fait redouter la complexité du processus », rapporte Vincent Berger. De même, certains y voient « un risque d’évolution vers une régionalisation de l’enseignement supérieur et de la recherche qui n’est pas l’objectif souhaité ». Il note que « les acteurs s’entendent sur la nécessité d’un dialogue stratégique se traduisant dans un schéma régional pour l’enseignement supérieur » et que « la prédominance du rôle de l’Etat est essentielle dans la contractualisation. C’est à l’État de veiller à l’intégration de la stratégie régionale dans le contrat (…). » Côté collectivités locales, leurs actions « peuvent être développées à côté du contrat principal signé avec l’Etat, à l’aide de contrats séparés, comme des contrats de site ou des CPER ». « Nous prenons acte du résultat de cette discussion », conclut Vincent Berger (AEF n°175235).
« La création d’un conseil de la vie étudiante ne séduit pas. Je la retire. » « Nous avions fait cette proposition parce que les Cevu sont parfois très accaparés par les dossiers pédagogiques, et la vie étudiante passe alors au second plan », précise Vincent Berger (AEF n°175169 et n°175220). De plus, « pour discuter de vie étudiante il est nécessaire d’avoir un périmètre d’acteurs qui ressemble davantage à celui d’un comité technique paritaire. (…) Les élus pour discuter du contenu des cursus ou de pédagogie ne sont pas forcément les personnes les plus pertinentes pour discuter de vie étudiante en général ».
« Nous avons progressé sur la répartition des compétences entre les conseils ». Certains ont proposé la fusion du CS et du Cevu dans un sénat académique, « faisant prévaloir l’importance de la cohérence entre les deux missions – recherche et formation – à l’université ». D’autres « ont fait observer que la charge de travail incombant à ce sénat serait beaucoup trop lourde. « Nous proposons une solution à mi-chemin : la réunion – pas systématique – des deux conseils académiques, au moins quelquefois dans l’année ».
En revanche, note Vincent Berger, « toutes les options sur la composition du conseil d’administration » n’ont pas pu être abordées. Ce sujet « doit faire l’objet d’une réflexion qui considère l’ensemble du dispositif de gouvernance, en particulier les nouvelles responsabilités des deux conseils académiques, et celles du CA. On doit aussi réfléchir sur les différentes propositions (diminution de la prime majoritaire, augmentation de la représentation de certains collèges) ensemble, et compte-tenu des compétences du CA. »
« La participation des personnalités extérieures à l’élection du président ne fait pas l’unanimité ». « Ce n’est pas une surprise », relève Vincent Berger qui souligne toutefois que « beaucoup de voix se sont exprimées hier en faveur » de cette évolution (AEF n°175220). « Très vraisemblablement dans mon rapport je serai amené à laisser plusieurs scénarios à l’arbitrage de la ministre, ce sujet ne me paraît pas pouvoir faire l’objet d’un consensus à ce stade. Le comité de pilotage devra à nouveau réfléchir je crois, sur ce sujet là. »
« Il est un peu facile de désigner l’ANR comme la responsable de l’explosion des emplois précaires ». Vincent Berger rappelle que « l’ANR valide des projets scientifiques qu’elle juge intéressants, mais ce sont bien les établissements qui recrutent les précaires et ce sont bien les chercheurs et les enseignants chercheurs qui ont choisi de lancer des projets reposant sur des chercheurs précaires. Il faut donc que chacun balaye devant sa porte avec honnêteté. » Le comité de pilotage fait un série de propositions pour résorber la précarité (AEF n°175162 et n°175259).
« Il n’y a pas de chemin vers l’excellence, l’excellence c’est le chemin ». Pour Vincent Berger, « l’excellence est vivante, dynamique, au fond, insaisissable. Pour cette raison l’excellence ne saurait être la source d’une rente individuelle, un état de fait, elle ne saurait être enfermée de manière statique dans un périmètre. » Il estime que « le rôle de l’État, plutôt que de stimuler cette concurrence jusqu’à l’écœurement, est de s’assurer que la compétition scientifique normale ne dégrade pas la coopération souhaitable entre les chercheurs du service public. » Le comité de pilotage propose ainsi « de cesser d’enfermer les chercheurs dans des périmètres d’excellence au sein des programmes labellisés ‘idex’. » Pour lui, il faut « simplifier le montage juridique » des idex qui doivent être « des programmes » et non des « établissements autonomes » (AEF n°175170).
« Il n’y a pas de sincérité politique sans sincérité budgétaire ». Ainsi, le comité de pilotage propose notamment « de consolider les comptes financiers sur un site des différents établissements – organismes de recherche, universités, écoles –, de manière à ce que l’on puisse enfin évaluer, sincèrement – au sens de la sincérité du comptable – l’argent public qui est dépensé sur chaque région, sur chaque site. » Il fait remarquer que « la baisse très importante des crédits de fonctionnement des organismes de recherche a fortement impacté l’activité de certaines universités, mais celles-ci ont parfois été dotées d’autres crédits dans le cadre des investissements d’avenir : il faut faire un bilan. Ce bilan, public et transparent, est une étape préalable à une opération de consolidation d’ensembles universitaires qui n’ont pas été labellisés idex mais qui ne doivent néanmoins pas être oubliés ».
Par ailleurs, « les comptes financiers des universités doivent être détaillés en coûts complets, par grand domaine de destination – recherche, licence, master, doctorat. » Vincent Berger ajoute : « Que l’on cesse de nous dire partout que l’on dépense 11 000 euros par étudiant de licence, parce que lorsque l’on dit cela, on ment au contribuable, on ment à l’étudiant et on ment au parent d’élève ».
« L’échec dans le supérieur n’est pas si important que cela, contrairement à une idée reçue ». Vincent Berger cite les chiffres de la Dgesip selon lesquels « seuls 20 % des étudiants qui entrent dans le supérieur sortent sans diplômes, contre 30 % dans la moyenne de l’OCDE ». Mais parmi les 80 % qui ont un diplôme, « beaucoup ont commencé un cursus puis se sont rendu compte que ce n’était pas leur voie ». D’où la proposition du comité de pilotage d’une spécialisation progressive en licence (AEF n°175176).
« Comment voulez-vous qu’un bachelier professionnel s’en sorte à l’université ? » Un élève de lycée professionnel a « au total moitié moins de cours généraux qu’un élève de filière générale » et « n’était déjà pas le plus à l’aise en troisième ». Il a donc « seulement 2 % de chances d’obtenir une licence générale en trois ans. Comment pourrait-il en être autrement », interroge Vincent Berger revenant sur les propositions du comité de pilotage sur l’orientation, notamment des bacheliers professionnels et technologiques en IUT et STS (AEF n°175180) qui ont suscité le débat en atelier (AEF n°175221).
« Sur le numérique, ce ne sera plus la fuite des cerveaux, ce sera le détournement des cerveaux ». Vincent Berger estime que c’est « un sujet sur lequel nous aurions tort d’avoir une attitude défensive » et si l’enseignement supérieur français « ne sait pas être extrêmement ambitieux », il « risque de voir un grand nombre de ses étudiants le quitter, de l’intérieur », rappelant que certains cours d’universités américaines sont suivis par plus d’un million de personnes. Pour lui, le numérique constitue « une rupture double » : « une rupture à cause des possibilités de pédagogie à distance qui sont à la veille de transformer de manière totale nos modèles universitaires ; une rupture dans le rapport que chaque être humain entretient vis-à-vis de la connaissance. »
« Les propositions qui sont faites sur la vie étudiante sont peut-être attendues. » Vincent Berger relève en effet que « beaucoup de propositions reprennent des revendications connues des principaux syndicats étudiants. Il n’y a donc pas d’énorme surprise dans ce secteur, mais simplement l’affirmation forte de la nécessité d’améliorer les conditions de vie et de travail des étudiants. Il s’agit, là encore, de bon sens » (AEF n°175177).