Compte rendu du débat avec Valérie PECRESSE SLR Université d’automne Toulouse 2007

Introduction pour accueillir la Ministre Valérie PECRESSE :

Intervention du représentant de la Région Midi Pyrénées :

Le représentant de la Région Midi Pyrénées souligne l’importance de la loi sur l’Autonomie des Universités sur les dynamiques de l’économie de la connaissance. Il souligne le rôle de la Région Midi-Pyrénées pour soutenir des initiatives et des actions en faveur du développement de l’économie de la connaissance et de l’innovation en Midi Pyrénées.

Intervention de Bertrand MONTHUBERT, SLR :

Bertrand MONTHUBERT, président de Sauvons La Recherche, souligne que la loi sur l’Autonomie est une réforme structurelle d’importance pour le monde de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
La réforme semble cependant précipitée et ne fait pas l’unanimité parmi les enseignants chercheurs et chercheurs des universités et des grands organismes de recherche.
Le débat avec la ministre se veut donc à la fois « courtois », « cordial » mais « sincère » et « ferme » pour poser les problèmes.

Intervention de Valérie PECRESSE :

Elle souligne son intérêt pour le débat qui se tient aujourd’hui à Toulouse, à l’Université d’Automne de la SLR.
Elle a souhaité répondre positivement à l’invitation afin d’exposer les motifs et les atouts de sa réforme au sein du corps des enseignants chercheurs et chercheurs des grands organismes.
Elle souhaite que la France doit répondre « présente » en matière de recherche et d’innovation, par rapport aux engagements internationaux, et à la politique européenne de la recherche et de l’innovation.

Pour cela elle souligne un budget conséquent pour la Recherche et l’Enseignement supérieur de l’ordre de 1 milliard d’euros, dont 85 millions d’euros laissés aux Universités, et 1, 885 million d’euros pour les crédits de recherche ou d’innovation. Cela représente environ 8 % d’augmentation, et correspond largement aux objectifs et aux engagements du gouvernement sur la question.

A ce budget, se rajoute une ventilation des crédits étalée sur plusieurs années, soit 5 Millions d’euros de plus par an pour la recherche et l’innovation.

Les priorités de l’action de son ministère se situent principalement :
1. sur l’amélioration de l’environnement des chercheurs : l’amélioration des conditions de travail à travers de meilleurs équipements, et des locaux et un immobilier décents.
2. sur l’attractivité des carrières scientifiques : ce point lui semble particulièrement important.

Pour cela le ministère a débloqué des fonds financiers d’une part, pour revaloriser l’allocation recherche, soit une augmentation de 8 % comme s’était engagé Monsieur GOULARD, en couplant l’allocation recherche au monitorat.

D’autre part, le ministère souhaite créer 2250 postes de moniteurs, afin de faire reconnaître le doctorat comme une « vraie » expérience professionnelle. Pour cela, les doctorants doivent être mieux encadrés, bénéficier de formations, et avoir une « réelle » expérience de travail à travers le monitorat d’initiation à l’Enseignement Supérieur.

3. sur la possibilité d’intensifier le partenariat entre monde de l’entreprise et monde de la recherche :

Pour cela, le ministère a engagé un ensemble de fonds pour permettre aux entreprises d’investir plus dans la recherche et l’innovation, et cela cible particulièrement les PME françaises. C’est le dispositif des « crédits d’impôts » à la recherche. Valérie PECRESSE se réfère au Rapport COHEN, sur l’économie de l’innovation, qui recommandait des « crédits d’impôts recherche » pour inciter les entreprises à investir dans le domaine.

D’autre part, le dispositif du « doctorant conseil » a été mis en place pour permettre aux jeunes doctorants de pouvoir avoir une meilleure connaissance et expérience du monde de l’entreprise, et de valoriser les compétences des futurs docteurs au sein du monde des entreprises, mais aussi des associations, et des collectivités territoriales.

Enfin, le budget de l’Agence Nationale pour la Recherche a été augmenté de manière conséquence afin de permettre à cette instance de financer des projets de recherche répondant aux « enjeux stratégiques » en matière d’innovation.

Débat avec la salle

Intervention de Bertrand MONTHUBERT :

Le président de la SLR souligne cependant son étonnement sur la répartition du budget pour la Recherche et l’Enseignement supérieur 2008. 50 % des fonds pour la recherche partent dans le privé sous forme de crédits d’impôts, de soutien aux ANR. Tous les organismes publics de recherche, dont le CNRS, et les moyens accordés aux Universités, sont minimes en comparaison.

Il souligne d’autre part le problème de la création d’emploi dans les Universités et la création de postes de MCF. Comment souhaite-t-on rendre la recherche plus attractive pour les Jeunes Chercheurs si le nombre de débouchés académiques n’est pas élargi par la création de postes de profs ? Il n’y a actuellement pas d’action du gouvernement sur ce point : deux fois moins de postes seront crées. Il se base sur le fameux état des lieux de l’Emploi scientifique par l’Observatoire de l’Emploi.

Enfin, il souligne que les logiques ANR ne répondent pas aux mêmes logiques d’innovation que celles de la recherche. Or la plupart des fonds alloués à la recherche et à l’innovation vont à l’ANR et non pas aux laboratoires des Universités, et des grands organismes de recherche qui en auraient le plus besoin.

Intervention de Edouard BRESEN, physicien, à titre personnel :

Il exprime sa préoccupation principale. Pour lui, dans certains domaines, la science française est très bonne, en mathématiques par exemple. Il souligne que le salaire d’un MCF est de 1700 euros par mois. Dans tous les indicateurs concernant la recherche, on remarque la forte proportion de chercheurs français qui partent à l’étranger pour faire de la recherche. Dans ce qu’il entend, rien ne lui permet de dire que la situation peut être inversée, ou être améliorée.

Pour lui, une vraie politique de la recherche en France doit se solder impérativement par la création d’emplois, et une politique de recrutement qui garantisse la qualité scientifique du recrutement. Les universités françaises doivent donc devenir de plus en plus attractives pour les chercheurs internationaux.

Des efforts sont menés et réalisés par le CNRS, qui recrute les meilleurs éléments de la recherche française, mais dans les procédures de recrutement des enseignants chercheurs à l’Université, il ne voit pas ce qui incite les universités à améliorer la qualité scientifique du recrutement dans la loi sur l’Autonomie.

La ministre parle de l’augmentation des budgets de l’ANR. Qu’en est-il de l’augmentation des budgets consacrés aux directions des Unités CNRS dans les laboratoires des universités ? Il insiste sur la situation extrêmement précaire, et difficile d’ « équipe de recherche en faillite ».

Qu’en est-il du renforcement des liens entre Universités, grands organismes de recherche et grandes écoles dans le domaine de la Recherche ?

Intervention de Bertrand MONTHUBERT :

Il donne la parole à Delphine LACOSTE

Intervention de Delphine LACOSTE, ANCMSP :

Delphine LACOSTE, doctorante à Toulouse, souhaite intervenir sur trois aspects se rattachant au thème de l’attractivité de la recherche et des carrières scientifiques pour les Jeunes chercheurs.

Le premier aspect touche à la question des doctorants non financés dans les laboratoires en SHS. Ce phénomène est particulièrement important dans les sciences humaines et sociales. Cela ne favorise pas les conditions de travail optimales pour le doctorant, qui dispose de conditions précaires de financement, et qui doit cependant mener un travail de professionnel de la recherche. Que prévoit le ministère pour enrayer et limiter le non financement des doctorants inscrit en thèse ? Quels sont les dispositifs mis en place ?

Le deuxième aspect touche à la question de la revalorisation de l’allocation recherche. C’est certainement un élément positif mais cette revalorisation est bien en deçà de la promesse de Monsieur GOULARD. Ce qui est particulièrement marquant c’est qu’un BAC + 5, ayant choisi de se consacrer à la recherche et à un doctorat gagne moins qu’un BAC + 5 qui aura choisi une autre voie. N’ y a-t-il pas un problème d’attractivité des carrières ? Que prévoit le ministère sur ce point ?

Le troisième aspect touche à la question de la qualité scientifique du recrutement dans les universités. Ici on rejoint tout ce qui a été dit. Comment la loi sur l’autonomie des universités garantit-elle une meilleure transparence des procédures de recrutement ? Comment garantit-elle la qualité scientifique du recrutement pour les Jeunes chercheurs, doctorants et docteurs investis dans un cursus de recherche ?

Intervention de la Ministre Valérie PECRESSE :

Plus de 18 % des chercheurs vont partir à la retraite. Il y aura donc 4600 chercheurs à recruter dans les prochaines années, dont 500 enseignants chercheurs.

Le nombre des chercheurs est largement supérieur au Royaume Uni et en Allemagne : à ce niveau là, la France a accumulé un retard qu’il s’agit de pallier.

Concernant l’emploi dans l’Enseignement supérieur, et la Recherche, elle souligne qu’elle ne doit pas avoir les mêmes chiffres que Bertrand MONTHUBERT, et qu’elle est formelle sur la validité des chiffres qu’elle détient. Que l’Etat des lieux de l’emploi scientifique effectué par l’Observatoire pour la recherche compile des statistiques, qui ont été revues ensemble par les membres du CNRS et le ministère.

[ Moue de Bertrand MONTHUBERT]

Concernant l’attractivité des carrières scientifiques, elle souligne que c’est un point pertinemment relevé, et extrêmement important, notamment concernant la qualité du recrutement pour les Jeunes chercheurs.

Concernant la revalorisation de l’allocation recherche, elle souligne qu’effectivement il n’est pas normal que les allocataires de recherche à un niveau BAC + 5, soient moins bien payés que leur congénères sur le marché de l’emploi.
Elle souligne que la raison du blocage du montant de la revalorisation de l’allocation recherche est principalement dû, au fait que le salaire d’un MCF ne dépasse pas 1700 euros, pour les premières années. A ce niveau une négociation est en cours sur un autre chantier initié par le Ministère de l’Enseignement et de la Recherche : c’est le chantier « des carrières scientifiques ».

[ Applaudissements et Rires dans la salle]

Concernant la professionnalisation et la valorisation du doctorat, elle souhaite principalement permettre aux doctorants de se professionnaliser à travers la création de plus de postes de monitorat : coupler l’allocation recherche avec le monitorat. C’est dans ce cadre que la loi sur l’Autonomie des Universités a permis de donner la possibilité pour le président de l’université de recruter de nouveaux contractuels, en cours d’année.
Elle souhaite insister sur l’importance de valoriser le doctorat dans l’entreprise. Pour cela le dispositif du doctorant conseil a été mis en place, et les logiques ANR peuvent être utilisées pour permettre aux doctorants de travailler en partenariat avec les entreprises.

Concernant les soutiens financiers aux logiques de l’innovation et de la recherche, elle souligne qu’elle ne voit pas en quoi les logiques de projets « ANR » sont contradictoires avec les logiques de la recherche et de l’innovation. Elles ne s’opposent pas et sont mêmes complémentaires. Pour elle, la recherche doit être pilotée selon des enjeux stratégiques. L’ANR constitue un très bon outil pour parvenir à cela. Il s’agit « d’organiser avant tout le hasard de la recherche » selon des enjeux stratégiques.

Intervention Henri AUDIER, Directeur de recherche, Chimie, Palaiseau, SLR :

Pour reprendre la répartition du budget 2008, si on considère les fonds budgétaires octroyés à la recherche publique, on constate que :
° les fonds financiers consacrés à l’amélioration des carrières scientifiques représentent 470 millions d’euros, bien en deçà des besoins actuels de la Recherche et de l’Enseignement supérieur.
° Que les crédits d’impôt, cadeaux fait aux entreprises, sont décomptés dans le Crédit pour la recherche. Ce qui représente à ces yeux une « bêtise » énorme, car c’est faire cadeau aux entreprises de fonds, dont on ne peut garantir qu’ils serviront à l’investissement pour l’innovation et la recherche.
° Que les fonds octroyés aux universités représentent une misère en comparaison des fonds octroyés à l’ANR.

Il souligne que les ressources financières octroyées à l’ANR sont énormes. C’est donc cette dernière qui va être chargée de répartir l’augmentation budgétaire accordée à la recherche, et d’évaluer les établissements par une note pour leur capacité à innover.

Pour lui, cet organisme n’a pas la position la plus pertinente pour être à même d’évaluer les projets de recherche « innovants », car l’ANR distribue des fonds pour des projets souvent inspirés par Bruxelles, et les institutions européennes, sans que soit pris en compte le cadre matériel, économique dans lequel les chercheurs travaillent. Beaucoup de bonnes publications ont été effectuées dans un cadre matériel pas forcément des plus reluisants. Les publications scientifiques les plus originales et innovantes sont construites sur des maladresses dues au hasard. Les logiques d’innovation soutenues par les logiques ANR ne correspondent pas à la conception de l’innovation dans la Recherche scientifique.

De grands programmes de recherche, inspirés par les organismes de recherche tels que le CNRS, et visant une pluridisciplinarité, et la convergence des disciplines sur des questions primordiales de la recherche, sont mis de côté.

C’est donc le privé qui reçoit principalement l’argent dédié à la recherche, alors que le manque de scientifiques est criant dans les grands organismes de recherche publique, et dans les Universités.

L’urgence est aussi de se préoccuper des formations dans le premier cycle, pour attirer des étudiants dans la recherche publique. Rien n’ a été fait concernant ce point primordial. Et notamment sur le fait d’attirer des femmes dans la recherche publique.

Enfin, un point d’une importance cruciale a été mis de côté : les relations entre Universités et grandes écoles n’ont pas été suffisamment développées. Trop peu de liens existent entre le monde de la recherche et de l’Université, et le monde des grandes écoles. Au lieu de cela, le ministère insiste sur le rapprochement avec les entreprises.

Intervention d’un représentant du syndicat CGT CNRS :

Il insiste plus spécifiquement sur le danger de la création de nouveaux contrats précaires, type CDD-CDI, qui remettent en question le statut de fonctionnaires des enseignants chercheurs. Ces contrats représentent des dérogations au statut juridique du fonctionnaire, fondé sur une promotion et des grilles salariales basées sur les conventions collectives.

Cela permet en autre de créer des contrats précaires qui libère l’Université des obligations dues aux contrats de fonctionnaires de rang A et B. Le ministère crée ici une zone « floue » dans le droit du travail. Ces contractuels seront évalués tous les 3 ans pour le travail qu’ils fournissent sans que soit garanti une promotion régulière dans leurs grilles salariales.

Il est nécessaire, si l’option de contractualiser de nouveaux enseignants chercheurs à travers des CDI est retenue, de négocier un statut plus protecteur, et d’imposer une grille salariale respectueuse des principes primordiaux des conventions collectives.

Sinon, cela risque d’aboutir à une individualisation totale des salariés sur ce plan.

Intervention de Valérie PECRESSE :

Concernant l’aspect des « carrières », ce sont là des questions vastes et larges qui sont posées. Je n’aurai malheureusement pas le temps de répondre à tous ces points.

[…]
Concernant le budget 2008, il s’agit de regarder le site Internet du ministère, ou toute la transparence a été faite sur la répartition du budget 2008….

[…]
Il s’agit notamment de financer les cotisations retraite des enseignants chercheurs, et des personnels qui vont partir à la retraite. Ce financement a un coût. Le financement de ces cotisations fait directement parti du « volet financement des personnels ».
Concernant les crédits d’impôts aux entreprises, le ministère de l’Enseignement et de la Recherche dans son ensemble a essayé de répartir les fonds selon des axes prioritaires, en n’omettant pas le financement des salaires des enseignants- chercheurs, ni le budget consacré au fonctionnement, et les aides aux organismes de recherche, dont l’ANR.

[…]
Les crédits d’impôts aux entreprises ont un effet extrêmement positif sur l’emploi : ils ont permis de créer plus de 10 % d’emploi, et plus de 9 % pour des emplois de chercheurs. Beaucoup d’entreprises, sans ces crédits d’impôts, n’hésiteraient pas à se délocaliser. Il s’agit de faire en sorte que les grandes décisions soient élaborées dans des centres de recherche délocalisés, qui puissent travailler en partenariat avec des entreprises.

[…]
Concernant la promotion des personnels, un organisme indépendant d’évaluation a été créée : l’AERES.

Intervention de Daniel STEINMETZ, ingénieur de Recherche, Chimie, Toulouse, SLR :

Concernant l’emploi public, subsiste une contradiction, les contrats de droit public sont plus protecteurs, et créer des contrats précaires, sera la cause de problème de jurisprudence : la procédure sera moins bien définie.

D’autre part, une demande pressante émanant du corps des enseignants chercheurs, « être déchargé des tâches administratives », et permettre à ces derniers de pouvoir concilier activités de recherche et activités d’enseignement, rien n’a été proposé sur ce point par le Ministère.

Les décrets ne semblent pas faits pour les personnels de l’université. On observe une explosion des cadres nationaux réglementaires, concernant les diplômes, et les statuts. Cela va amener à une résistance des personnels de l’université, si rien n’est effectué sur ces points par le Ministère. Comment garantir des perspectives de carrières attractives pour les personnels enseignants chercheurs de l’Université ?

Intervention de Bertrand MONTHUBERT pour signaler que la ministre Valérie PECRESSE doit partir car elle a un avion à prendre. Remerciements et annonce de la session de l’après-midi sur l’attractivité et le développement du secteur de la Recherche.