Enseignant-es vacataires du supérieur : la CJC appelle la ministre F. Vidal à passer de l’instrumentalisation aux actes

Communiqué de presse de la CJC sur les vacataires, 4 mai 2018

Enseignant-es vacataires du supérieur : la CJC appelle la ministre F. Vidal à passer de l’instrumentalisation aux actes

Dans un contexte de mobilisation sociale dans les universités, la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal a récemment justifié la dissolution des conseils centraux de l’université Toulouse-Jean-Jaurès par le fait que « les vacataires n’étaient plus payés ». Si la Confédération des Jeunes Chercheur-es se satisfait de voir que les conditions de travail des enseignant-es vacataires de l’enseignement supérieur préoccupent la ministre, elle l’appelle à ne pas en faire un alibi dans sa gestion de la mobilisation en cours et à passer aux actes.

Rémunéré-es par une indemnité et non un salaire, les 130 000 enseignant-es vacataires du supérieur ne sont en effet, dans leur écrasante majorité, jamais payé-es mensuellement, mais deux fois par an, à la fin de chaque semestre. De plus, les fermetures administrative décidées dans de nombreux établissements les exposent à de possibles pertes sèches de rémunération.

Alors que la CJC a entamé depuis plusieurs mois des discussions avec le cabinet de Madame Vidal sur la question de la précarité chez les jeunes chercheur-es, dont une part importante travaillent comme vacataires, avec des propositions précises concernant la situation de ces dernier-es, elle déplore l’instrumentalisation qui est faite aujourd’hui de leurs conditions de travail indignes, sans protection sociale ni salaire mensuel. Nous attendons des actes en faveur de la situation des jeunes chercheur-es vacataires, et réclamons le paiement des heures d’enseignement annulées en raison des fermetures d’établissements, au même titre que leurs collègues contractuels ou titulaires.

Un recours massif aux vacataires dans l’ESR

Les vacataires se divisent selon deux statuts, qui correspondent à deux situations différentes :

  • D’un côté, les chargé-es d’enseignement vacataires (CEV) sont des personnes disposant d’un emploi extérieur et d’une expertise spécifique, qui interviennent ponctuellement à l’université, ce qui est positif pour les liens entre l’université et les autres milieux professionnels. Il concerne également des jeunes chercheur-es disposant d’un statut d’auto-entrepreneur dont l’activité principale est théoriquement non-universitaire, ce qui en pratique n’est pas toujours le cas.
  • De l’autre, les agents temporaires vacataires (ATV) sont principalement des doctorant-es.

Environ 10 500 vacataires effectuent au moins 96 heures équivalent TD, d’après les chiffres du ministère. Ils et elles représentent plus de 10% de l’ensemble des personnels enseignants dans l’enseignement supérieur. Ces personnels sont très majoritairement des jeunes chercheur-es, non- rémunéré-es pour leur travail de recherche, et pour qui ces vacations constituent souvent le seul moyen de subsistance, dans une reconnaissance très partielle de leur contribution à l’ESR.

Il s’agit donc d’un abus massif de ces statuts, celui d’ATV et partiellement celui de CEV, de la part des établissements d’enseignement supérieur pour répondre à des besoins permanents qui devraient être assurés par des enseignant-es-chercheur-es titulaires. Les statistiques du MESRI, malheureusement très lacunaires sur ce sujet depuis des années, empêchent de tirer pleinement les conséquences de la situation. Afin d’y remédier, la CJC demande au ministère des statistiques fiables et régulières, ainsi que la réalisation par l’IGAENR d’un audit sur l’emploi des non-titulaires dans l’ESR comme promis par le gouvernement, et qu’il soit rendu public.

Une situation de précarité inacceptable

La situation contractuelle des jeunes chercheur-es vacataires sans autre activité salariée est ubuesque. Bien qu’il s’agisse de personnels hautement qualifiés, leur rémunération nominale se situe au niveau du SMIC, et leur rémunération effective y est inférieure car elle ne donne pas droit au paiement des congés payés et des jours fériés ni aux mêmes droits à prestations sociales que pour les salarié-es, comme l’allocation chômage, ou les congés maternité, paternité et parental. De plus, leur contrat est souvent signé après le début effectif du travail voire après la fin du travail effectif ; leur paie n’est pas mensualisée dans la plupart des établissements mais est bien souvent versée des mois après. Enfin, ils et elles ne bénéficient pas des protections comme le droit de grève, le paiement des salaires en cas d’empêchement d’accéder à son travail (en particulier dans les blocages en cours), ni aux différentes formes de reconnaissance de la précarité.

Pourtant, des solutions existent. Le budget économisé en recourant, pour les besoins permanents, au statut de vacataires plutôt qu’à celui de maître de conférences représente au minimum 250 M€ par an. Une augmentation du nombre de contrats doctoraux avec mission d’enseignement serait également souhaitable, et représenterait un coût moindre pour rémunérer ces enseignements. Or, Madame la ministre a déclaré le 13 avril que la loi ORE n’était que le premier pas d’une politique d’ensemble, dotée d’un milliard d’euros, visant notamment à mieux valoriser l’enseignement. La CJC l’invite à l’affecter prioritairement à la création de postes à la hauteur des besoins permanents. Des concertations ont été menées par le MESRI depuis le 29 mars 2018 avec les syndicats de personnels titulaires sur la question des rémunérations, en occultant totalement les jeunes chercheur-es. La CJC demande à être intégrée à ces discussions et à ce que les intérêts des jeunes chercheur-es soient pris en compte de façon urgente.

Des propositions réglementaires pour des améliorations rapides et nécessaires

Sur le plan réglementaire, la CJC appelle, à court terme, les établissements à respecter la circulaire Mandon du 25 avril 2017 sur le paiement mensualisé des vacataires, et le MESRI à la rendre contraignante ; de plus, la CJC exige des établissements le paiement des vacataires pendant les jours de blocage des établissements, de façon analogue à celle des enseignants-chercheurs permanents.

La CJC demande également des mesures qui permettent aux jeunes chercheur-es de réaliser leur travail de recherche dans de bonnes conditions contractuelles, en particulier : la modification du décret du 23 avril 2009 relatif au doctorants contractuels afin de ne pas rendre possible le cumul d’activité hors contrat doctoral recouvrant les mêmes activités que celles pouvant être réalisées en tant que missions complémentaires incluses dans le service des doctorant-e-s contractuels ; ainsi que la réforme du statut d’ATER – à commencer par la reconnaissance de l’équivalence entre TP et TD, accordée aux titulaires mais pas aux jeunes chercheur-es – et la reconnaissance du niveau de qualification des ATER docteur-es.

Enfin, face aux abus répétés du recours aux vacataires sous statut d’ATV aboutissant à des situations intolérables et scandaleuses de précarité, la CJC appelle à l’abrogation du statut d’Agent temporaire vacataire (ATV) pour les doctorant-es tel que spécifié par le décret no87-889 du 29 octobre 1987 et à l’utilisation des possibilités offertes aux établissements par la LRU pour donner un cadre juridique clair et protecteur aux actuel-les ATV.

La CJC appelle les jeunes chercheur-es enseignants vacataires à se rapprocher de ses associations de jeunes chercheur-es membres pour faire entendre leurs revendications à bénéficier des mêmes droits que les contractuel-les (paye mensuelle, couverture sociale…) et à exiger de leur établissement employeur le paiement des heures annulées pour cause d’inaccessibilité de l’établissement.