Nouveau scandale des nominations ministérielles au Conseil National des Universités : L’ANCMSP demande la fin du mépris gouvernemental

Active depuis quinze ans dans le suivi des recrutements universitaires en science politique, l’Association Nationale des Candidats aux Métiers de la Science Politique (ANCMSP) fédère plus de 2500 abonnés et revendique de meilleures conditions de travail et d’emploi pour les jeunes chercheurs. L’ANCMSP est membre de la Confédération des Jeunes Chercheurs (CJC).

Suite à la démission in extremis du rapporteur Yves Roucaute au CNU 04, suite aux scandales du CNU 19, l’ANCMSP demande au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de cesser sa politique laxiste et contre-productive de nomination au Conseil National des Universités (CNU). Dans le texte suivant, l’ANCMSP établit un bilan des dysfonctionnements causés par les nominations ministérielles au CNU depuis plusieurs années. Le prochain gouvernement devra mettre fin à ce mépris gouvernemental à l’égard de la communauté universitaire, en science politique et dans d’autres disciplines.

Le CNU est l’instance nationale chargée notamment de qualifier les candidats aux fonctions de maître de conférences des universités. A quelques jours de l’évaluation des dossiers de qualification par la section 04 (sciences politiques) du CNU, la démission du professeur Yves Roucaute laisse 28 dossiers de candidats sans rapporteur.

Ancien conseiller technique du bref ministre de la Communication Alain Carignon [1] puis de l’éphémère ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche François Loos [2], Yves Roucaute fut nommé au CNU, comme un tiers des membres de la section, par un enchaînement discret et opaque d’arrêtés ministériels depuis novembre 2011.

Auteur attitré des propos du ministre de l’Intérieur Claude Guéant sur l’inégale valeur des civilisations, Yves Roucaute a également bénéficié au cours de sa carrière de nominations dans le domaine de la « criminologie d’État », délaissant la science politique pour une discipline dont la création est remise en cause par la communauté scientifique française [3,4,5,6].

La fracassante démission d’Yves Roucaute, laissant 28 dossiers de candidats à la qualification à la charge de ses collègues, entraîne une lourde responsabilité : le ministère est-il conscient de l’irresponsabilité de son casting, nouvelle marque de mépris envers la communauté des candidats et des élus du recrutement universitaire ?

L’ANCMSP rappelle que la législation exige des nominations ministérielles au CNU qu’elles participent à une représentation équilibrée des disciplines scientifiques au niveau national [7]. En totale contradiction avec cet objectif, les nominations successives d’Yves Roucaute aboutissent aujourd’hui à un fiasco qui nuit directement au travail du CNU.

L’ANCMSP rappelle également que le CNU a déjà souffert, par le passé, des nominations ministérielles et de leurs effets contre-productifs. Paradoxalement, le gouvernement a plusieurs fois fait obstacle à l’évaluation des enseignants-chercheurs, ceux-là mêmes que le Président de la République accusait de médiocrité dans un discours de janvier 2009.

La section 19 (sociologie-démographie) du CNU a ainsi connu une crise de très grande ampleur suite à l’auto-promotion de certains de ses membres, nommés encore une fois par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ; ultérieurement, le ministère a retardé les qualifications 2011 en sociologie-démographie en négligeantd’y nommer des membres.
L’ANCMSP tient à rappeler le travail de transparence actuellement opéré par les sections 04 et 19 du CNU, avec lesquelles elle travaille à améliorer les conditions de travail et de recrutement pour les candidats aux métiers de la science politique. Hélas, elle constate aussi que les nominations ministérielles au CNU ont fragilisé le recrutement universitaire.

À travers ces nominations ministérielles, le gouvernement actuel montre l’étendue de son mépris à l’égard des instances professionnelles de l’Université, déjà dégradées par plusieurs années d’appauvrissement budgétaire et de réformes managériales. L’un des enjeux de l’élection présidentielle de 2012 doit être la fin de ce mépris, qui affecte tout particulièrement les jeunes chercheurs mettant leurs talents au service de la recherche scientifique française.


[1] Arrêté du 23 avril 1993 portant nomination au cabinet du ministre, JORF n°119 du 25 mai 1993, page 7734. NOR : MICT9300004A. Démissionnaire en juillet 1994, Alain Carignon a été condamné le 9 juillet 1996 par la cour d’appel de Lyon pour corruption, abus de biens sociaux et subornation de témoins.

[2] Arrêté du 15 mai 2002 portant nomination au cabinet du ministre délégué, JORF n°122 du 28 mai 2002, page 9634. NOR : SUPB0200196A. François Loos fut ministre délégué auprès du ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche à l’enseignement supérieur et à la recherche du 7 mai 2002 au 16 juin 2002.

[3] Synthèse, Mediapart

[4] « Yves Roucaute, le « néocon » de Claude Guéant », Nonfiction.fr, 8 février 2012

[5] Jospeh Confavreux, « L’inspirateur des propos de Guéant en passe d’être nommé à la future section “criminologie” du CNU », Mediapart, 8 février 2012

[6] Laurent Mucchielli, « Vers une criminologie d’État en France ? Institutions, acteurs et doctrines d’une nouvelle science policière », Politix, n°89, 2010

[7] Décret n°92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des universités, article 5 modifié par le décret n°2009-461 du 23 avril 2009, alinéa 3. NOR : ESRX0908404D.