Recrutements MCF : la position de l’ANCMSP

La motion suivante a été adoptée par l’ANCMSP lors de son Assemblée Générale du 23 juin 2007.


Depuis 10 ans, l’ANCMSP agit pour davantage de transparence lors des procédures de recrutement. Si des avancées sont perceptibles dans la transmission des informations relatives à la composition des commissions de spécialistes, des listes d’auditionnés et des classements des candidats, reste que les modalités d’entrée dans la profession demeurent problématiques à bien des égards. Le concours des Maîtres de conférence, en raison de son organisation locale, recèle de nombreux problèmes maintes fois dénoncés par l’association : localisme plus ou moins déguisé, coûts des dossiers et des auditions. C’est pourquoi l’ANCMSP soutient depuis longtemps l’idée d’un concours national.

Le concours de recrutement des Maîtres de conférence représente aujourd’hui la modalité la plus répandue de recrutement des enseignants-chercheurs. En science politique, ce constat s’impose également, malgré la procédure de l’agrégation externe.

En matière de recrutement plus qu’ailleurs peut-être, il n’y a sans doute pas de solution idéale. Néanmoins, l’ANCMSP, dont la vocation première est de défendre les intérêts des candidats aux métiers de la science politique, et par conséquent de porter une attention particulière aux modalités du recrutement académique, ne peut se satisfaire des modalités actuelles du concours de MCF. L’expérience, hélas trop souvent renouvelée, démontre en effet que celui-ci souffre de nombreux dysfonctionnements.

Parmi les principaux problèmes posés, citons en premier lieu le localisme. Il n’est naturellement pas illégitime qu’un établissement veuille recruter un jeune docteur de qualité qu’il a formé : il le connaît, ses thèmes de recherche s’insèrent bien dans les axes du laboratoire local, les incertitudes sont réduites… Néanmoins, un recrutement local s’expose nécessairement à la suspicion du localisme (c’est-à-dire le fait de préférer un candidat local à un candidat extérieur, même meilleur). De plus, les standards internationaux d’excellence consacrent aujourd’hui l’exogamie scientifique. Notons que cela est déjà le cas en France dans certaines disciplines : les mathématiciens ont ainsi établi un consensus dans la discipline consistant à ce qu’un établissement ne recrute pas ses propres docteurs (notons qu’en l’état actuel de la réglementation, cette pratique contredit le principe d’égalité devant le concours).

De plus, le fonctionnement actuel, qui crée un concours pour chaque poste ouvert, multiplie les coûts pour les candidats, sans que les « recruteurs » (les titulaires membres des commissions de spécialistes) n’aient pour autant le sentiment d’une procédure simplifiée. Pour les candidats, ce sont souvent plus d’une dizaine de dossiers envoyés (en version papier !), sans compter les frais liés aux auditions : transports, logement… Le processus est de plus concentré sur une courte période, ce qui induit de la tension pour tous.

Enfin, et peut-être surtout, les modalités actuelles de recrutement des MCF ne garantissent pas la qualité du recrutement effectué. En effet, le travail d’évaluation des dossiers des candidats est démultiplié par le nombre de postes offerts. Il est donc déjà difficile d’évaluer les dossiers sur pièce. Mais au-delà, les auditions durent en général autour d’une vingtaine de minutes. Comment, en aussi peu de temps, évaluer sérieusement les qualités diverses requises pour un fonctionnaire qui est recruté pour plus de 30 ans ?

Compte tenu de ces éléments, l’ANCMSP se prononce en faveur d’un recrutement des MCF sur une base nationale, ou plus exactement pluri locale. Notre position s’inspire partiellement d’une suggestion faite dans le rapport Truchet sur les études juridiques.
Etant donné le faible nombre de postes créés dans notre discipline (tout au plus une vingtaine par session), il est en effet envisageable de créer un jury national (une variante serait quatre ou cinq jurys régionaux) chargé du recrutement des MCF. Ces jurys, tirés au sort, seraient constitués de représentants des commissions de spécialistes (CS) locales concernées (un MCF et un PR, ou deux de chaque), et de membres « extérieurs » (parmi lesquels on pourrait inclure des experts internationaux, et/ou des enseignants-chercheurs de disciplines « voisines » [sociologie, histoire… et non nécessairement les disciplines juridiques comme actuellement]). On y adjoindrait en outre des représentants des doctorants, comme cela se fait dans les commissions de recrutement des universités américaines ou anglaises, ou encore à l’IUE, avec voix délibérative mais non décisionnaire (« voice but no vote »).

Les modalités d’audition pourraient, de la sorte, être plus satisfaisantes que celles actuellement pratiquées : le fait qu’une seule audition doive être pratiquée, et en un seul lieu, permet de singulièrement l’allonger, voire de l’accompagner – pourquoi pas – d’une leçon d’une vingtaine de minute devant des étudiants (par exemple introduction d’un cours avec présentation du plan)… En outre, et pour jauger du niveau scientifique du candidat, celui-ci serait également invité lors de l’audition à présenter ses travaux sous la forme d’une communication de 15 à 20 minutes. Ainsi il ne parait pas absurde d’envisager des auditions de 45 à 50 minutes.
Inutile de souligner que ces modalités auraient également l’avantage de minimiser les frais aussi bien pour les auditionnés (un seul déplacement pour toute la campagne) que pour les recruteurs (dont les frais seraient pris en charge par le ministère).

Les modalités de vote et de sélection au sein de cette commission pourraient s’inspirer de celles pratiquées au sein du CNRS actuellement. En premier lieu, le vote « en double aveugle » nous semble extrêmement souhaitable : grâce à l’utilisation de boîtiers électroniques (possible, dès lors qu’on centralise les procédures), on ne sait pas qui vote pour qui, ni qui a recueilli combien de voix . Cela permet sans doute d’éviter en grande partie les combinaziones et les féodalismes, ainsi que les coups de billard à trois bandes concernant les classements.

En second lieu, le principe pratiqué par le CNRS selon lequel nul ne peut être recruté dans le laboratoire (dans le cas des MCF, l’établissement) dans lequel il a préparé sa thèse nous semble devoir également être retenu. Sans nous illusionner sur l’impact de cette mesure, elle permettrait de limiter un tant soit peu le localisme ; si elle n’interdit pas nécessairement des deals (« je prends le tien, tu prends le mien »), rendu pourtant plus difficiles par le vote en double aveugle, au moins force-t-elle chaque jeune MCF à découvrir un environnement de travail différent de celui dans lequel il a été formé – ce qui constitue, là aussi, un standard international.
A l’issu de la délibération, le jury serait dans l’obligation de produire pour chaque candidat auditionné non classé un rapport écrit motivé sur les raisons de ce non classement.

A l’issue du concours, deux possibilités : soit le jury classe les candidats par ordre de mérite, et chacun choisit son poste d’affectation souhaitée en fonction de son classement (solution de l’agrégation actuellement), éventuellement avec la limitation qu’on ne peut retourner dans son établissement d’origine. Cette solution signifie que les établissements ne définissent pas de profil de poste. Soit le jury affecte directement les candidats aux postes, en fonction des profils de poste définis par les établissements et des CV et vœux des candidats.

L’ANCMSP propose d’étendre les modalités d’un tel recrutement à la procédure du 46-3, c’est-à-dire promouvoir un recrutement national des professeurs à la voie longue, pour la poursuite de carrière des maîtres de conférence.