Aucun étudiant britannique n’est autorisé à entamer une recherche en sciences sociales sans avoir préalablement pris connaissance des contraintes éthiques auquel son entreprise est assujettie.
Les research ethics dans le cadre universitaire
Les universités britanniques imposent une première contrainte de connaissance (et de validation des connaissances) des principes éthiques à leurs étudiants inscrits dans un parcours de recherche.
Cette contrainte prend principalement deux formes :
– D’une part, des formations universitaires à l’éthique de la recherche en sciences sociales figurent quasi-systématiquement dans le tronc commun obligatoire des enseignements de Master 2 Recherche (MSc by Research ou MRes).
Concrètement, ces formations consistent en une suite de modules thématiques présentant les enjeux et dilemmes de la recherche en SHS, comme par exemple l’étude de populations vulnérables ou la remise en cause de l’anonymat des sources de l’enquête dans des circonstances exceptionnelles.
À l’image de la méthodologie, les research ethics font l’objet de nombreux ouvrages, parfois consacrés à des thèmes particuliers comme la recherche auprès des mineurs (par exemple, l’étude des relations parents-enfants dans les familles où les conjoints ont traversé un épisode alcoolique).
– D’autre part, les universités établissent généralement des protocoles de validation de la démarche scientifique suivie par leurs doctorants, au sein desquels l’éthique est un critère déterminant. Ces protocoles doivent être validés par le comité de supervision du doctorant en fin de première année.
En pratique, chaque doctorant présente un protocole de recherche détaillé à ses directeurs de recherche[[L’université britannique alloue souvent deux directeurs de recherche, un primaire et un secondaire, à ses étudiants.]], rejoints par un autre titulaire universitaire ; la composition du comité peut varier, mais il s’agit généralement d’enseignants-chercheurs compétents sur le domaine d’étude.
Auprès de ce comité, outre sa méthodologie et ses hypothèses, chaque doctorant valide également le cadre éthique de sa recherche, qui peut se voir attribuée une note représentant le degré de “sensibilité” de son travail. Une note élevée peut entraîner de nouvelles étapes de validation à des échelons hiérarchiques plus élevés (celui de l’école doctorale, par exemple).
Les contraintes supplémentaires en dehors de l’université
Ces contraintes universitaires ne se substituent pas aux autres autorisations obligatoires à obtenir dans certains cas particuliers, notamment dans le domaine de la santé.
Tout étudiant qui aborde des professionnels du National Health Service ou qui pratique des entretiens auprès de ses patients doit préalablement faire valider son projet par un comité d’éthique spécifique.
Cette contrainte s’exerce indépendamment de la discipline universitaire : le protocole est indifférencié selon qu’il s’agisse de sociologie de la santé ou de neuropsychiatrie clinique.
La contribution des associations professionnelles
Les associations professionnelles britanniques contribuent à l’établissement de codes éthiques détaillés, lesquels servent par la suite dans les enseignements mentionnés précédemment.
– Dernière en date à la rédaction de ce document, la Social Policy Association s’est dotée d’un code éthique relativement succinct mais très bien documenté, et dont la bibliographie a été intégralement reprise dans la dernière section de ce document.
L’association rappelle les contraintes professionnelles essentielles, allant de l’obligation de respect de la loi à celle du consentement dit “éclairé” (informed consent). Ces contraintes sont particulièrement importantes dans cette discipline qui étudie fréquemment des populations pauvres et vulnérables, comme les populations immigrées ou exposées à la toxicomanie[[Le même constat se vérifie pour les recherches en criminologie, où l’environnement légal est assez contraignant.]].
– Le code le plus complet est celui de la Social Research Association, qui est souvent cité et utilisé en cours. L’objectif de l’association est justement construit autour d’un impératif trans-disciplinaire de discussion sur les conditions de la recherche en sciences sociales.
Les 66 pages du “code SRA” abordent les contraintes éthiques par leur destinataires : certaines contraintes s’appliquent ainsi vis-à-vis des organismes financeurs, d’autres s’appliquent entre collègues, d’autres s’appliquent entre le chercheur et son terrain, et ainsi de suite. Le code est complété par un important travail bibliographique qui permet à tout doctorant en sciences sociales de se construire une culture approfondie du sujet, et également de consulter certaines sources de manière opportuniste, en fonction de son objet de recherche.
– Enfin, en ce qui concerne la science politique, la Political Studies Association a opté pour un “guide de conduite professionnelle qui évoque notamment, comme les autres documents cités, les relations entre enseignants-chercheurs et étudiants.
Un code d’éthique universel ?
Rigour, respect and responsibility: a universal ethical code for scientists est le résultat d’un processus concerté initié par le Chief Scientific Adviser du gouvernement britannique en 2004. En 2006, le Council for Science and Technology fut chargé d’évaluer dans quelle mesure ce code était en application dans les institutions de recherche, et notamment dans les organismes finançant la recherche scientifique en Grande-Bretagne.
Le code d’éthique universel à destination des scientifiques britanniques est en application depuis 2007 et a fait l’objet d’une campagne de communication. Il est intégralement reproduit ci-dessous :
Rigour, honesty and integrity
– Act with skill and care in all scientific work. Maintain up to date skills and assist their development in others.
– Take steps to prevent corrupt practices and professional misconduct. Declare conflicts of interest.
– Be alert to the ways in which research derives from and affects the work of other people, and respect the rights and reputations of others.
Respect for life, the law and the public good
– Ensure that your work is lawful and justified.
– Minimise and justify any adverse effect your work may have on people, animals and the natural environment.
Responsible communication: listening and informing
– Seek to discuss the issues that science raises for society. Listen to the aspirations and concerns of others.
– Do not knowingly mislead, or allow others to be misled, about scientific matters. Present and review scientific evidence, theory or interpretation honestly and accurately
Ressources bibliographiques
British Sociological Association (BSA) (2002) Statement of Ethical Practice. Durham : BSA.
British Society of Criminology (BSC) (2006) Code of Ethics for Researchers in the Field of Criminology.
Department for Innovation, Universities & Skills (DIUS) (2007) Rigour, Respect and Responsibility: A Universal Ethical Code for Scientists. London : DIUS.
ESRC (2007) [Research Ethics Framework->http://www.esrcsocietytoday.ac.uk/ESRCInfoCentre/Images/ESRC_Re_Ethics_Fram
e_tcm6-11291.pdf].
Medical Research Council (MRC) (2005, 2e éd.) Good Research Practice. London : MRC.
Social Research Association (SRA) (2003) Ethical Guidelines. London : SRA.