Précarité à l’université : la sélection des étudiant.e.s n’est pas la solution (+1)

Le samedi 2 décembre s’est tenue une journée sur la précarité dans l’enseignement supérieur. Elle était organisée par l’ASES, avec l’AFS et l’ANCMSP.

Très peu de politistes sont venu.e.s pour entendre et discuter l’état des lieux de l’emploi qui y a été fait. Nous le regrettons. Doit-on interpréter cette absence comme le signe que les titulaires de science politique se sentent en réalité peu concerné.e.s par les conditions de vie, d’emploi et de travail de leurs collègues précarisé.e.s ?

Il nous semble qu’il y a urgence à imposer un plan massif de titularisation de l’armée de personnels précarisés qui sont et font aussi la science politique à l’université, urgence à défendre une alternative au modèle universitaire qui s’impose à nous, une alternative à la hauteur de la mission politique et sociale de l’enseignement supérieur public. Personne ne contestera que seule la mobilisation des personnels de notre discipline pourrait y conduire. Or cette mobilisation passe aussi par la participation à ce type de journées parce qu’on y discute et décide, précisément, de nos objectifs et de nos moyens d’action.

Détaillons les enjeux.

L’ANCMSP estime, sur la base du nombre d’heures assurées par les vacataires, que 85 postes de MCF seraient à créer afin de résorber le sous-encadrement sévère dans notre discipline (1). Ce sous-encadrement pénalise les étudiant.e.s (réduction des offres de formation, groupes de TD surchargés, manque de temps pour des corrections détaillées, équipes pédagogiques constituées au dernier moment, etc.) comme les enseignant.e.s (travail gratuit, dégradation des condition de recrutements et des types de contrat, salaire perçu en différé, privation de droits sociaux pour les non-permanent.e.s ; heures supplémentaires et surcharge administrative pour les titulaires).

L’université ne peut pas vivre sans les personnels qu’elle précarise et les personnels qu’elle précarise ne peuvent pas vivre de l’université!

À travers le « Plan étudiants », quelle réponse le gouvernement actuel apporte-il au problème du sous-encadrement, de la précarisation des enseignant.e.s chercheur.e.s et plus largement du manque de moyens à l’université ? Une réponse malthusienne : instaurer des pré-requis pour faire baisser le nombre d’étudiant.e.s. De la baisse du nombre d’étudiant.e.s, on attend une baisse mécanique du taux de sous-encadrement, des besoins en personnels précarisés et donc du taux de personnels précarisés dans l’enseignement supérieur. Élémentaire…

Rien dans les annonces du gouvernement ne permet de douter que cette réforme aggravera les mécanismes de sélection sociale dans le parcours scolaire et in fine les inégalités sociales. Quel avenir propose-t-on aux bachelier.ère.s dont le bac ne vaudra plus autorisation à continuer à se former dans un enseignement supérieur public désormais entièrement sélectif (IUT, BTS et Universités) ? Autrement dit, quel avenir propose-t-on aux bachelier.ère.s issue.s des classes populaires et des classes moyennes inférieures, souvent tôt orientés (avec les biais que l’on connaît) dans des filières peu valorisées?

Ne nous méprenons pas : ces prochaines années, il-lles ne seront pas (totalement) laissé.e.s sur le carreau, il-lles seront accueilli.e.s dans les établissements qui n’auront pas les moyens de mettre en place les dispositifs justifiant de pouvoir dire “non” (ou bien qui choisiront de se soustraire à ce dilemme sordide). Les établissements sous-dotés continueront d’accueillir les étudiant.e.s non-sélectionné.e.s, socialement trié.e.s, grâce à des armées de doctorant.e.s et jeunes docteur.e.s précarisé.e.s. Pendant que les happy few, titulaires des établissements qui ont les moyens de faire la course à l’« excellence », verront ell-eux assez rapidement les effets positifs de cette réforme. Réforme qui promet donc d’accroître les inégalités entre établissements, personnels et étudiant.e.s de l’ESR publics.

Enfin, l’actuelle réforme proposée acte le refus du nouveau gouvernement d’investir davantage d’argent public dans l’enseignement supérieur. Nous sommes au début d’un mandat, le ton est donné. La prochaine étape est la privatisation du financement des universités, notamment par l’augmentation des frais d’inscription à la charge des étudiant.e.s. Les doctorant.e.s ne sont et ne seront à nouveau pas épargné.e.s par ces transformations. Le « Plan Étudiants » prévoit déjà la création d’une contribution obligatoire de 150€ par an s’ajoutant aux frais d’inscription en doctorat. Le gouvernement réfléchit à des hausses bien plus importantes des frais d’inscription en doctorat, sans envisager d’augmentation du nombre de contrats doctoraux (2).

Faire payer, encore et toujours, les personnels précarisés et les étudiant.e.s les moins aisé.e.s, représente une régression sociale grave et injuste. L’ANCMSP appelle à ce que soient discutées sur cette liste des propositions alternatives aux décisions prises par le gouvernement. Nous appelons celles et ceux qui s’opposent à ces décisions à s’organiser et agir.

Voici les initiatives en cours :
L’’ASES a rédigé un communiqué, support d’une pétition, et espère sur cette base susciter une mobilisation qui prendrait la forme d’assemblées générales au sein des universités. Nous avons signé le communiqué (http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article7907). Vous (organisations, collectifs, syndicats, laboratoires, composantes…) pouvez le faire aussi : contactases@gmail.com.

Deux actions à l’UPJV :
Un appel lancé par Snesup-FSU, Snasub-FSU, SNPREES-FO à une assemblée générale des personnels le Jeudi 7 décembre à 14h qui vise à faire un état des lieux de la situation à l’université et discuter des conséquences du gel des recrutements et des nouvelles réductions des maquettes de formation (3)
Un appel lancé par un collectif de doctorant.e.s en SHS contre la dégradation de leurs conditions de travail (4).

À l’université Aix-Marseille, la CGT FERC-Sud appelle à une nouvelle Assemblée Générale de la communauté universitaire (étudiants, biatss et enseignants chercheurs) de tous les sites, à Saint-Charles le jeudi 7 décembre à 12h30 pour continuer les discussions amorcées sur la refonte des maquettes de formation (5).

Dans le prolongement de la déclaration du 9 novembre commune aux fédérations FERC CGT, FNEC FO, FSU, SUD Education, et aux organisations de jeunesse UNEF, Solidaires Étudiant.e.s, UNL, SGL, la CGT FERC Sup appelle à une mobilisation unitaire le 12 décembre 2017, jour de première lecture du texte à l’assemblée Nationale (6).

A Paris 1, le CFVU a refusé de faire remonter des attendus permettant de classer les dossiers d’étudiants. Un deuxième CFVU est convoqué le 18 janvier.

A Lille, le CF a refusé de faire remonter des attendus permettant de classer les dossiers d’étudiants.

Il est temps de nous réapproprier le débat ! Il est temps de peser concrètement dans la balance !

Enquête « Précarité » réalisée par l’ANCMSP avec l’AFSP et le CNU 04.
« Macron leaks », note de R. Gary-Bobo, 16 novembre 2016, https://www.wikileaks.org/macron-emails//fileid/50687/18178 ; entretiens de la CJC avec le cabinet du MESRI et le cabinet du Premier ministre, 15 et 16 novembre 2017.
http://www.snesup.fr/article/pour-les-etudiantes-leurs-familles-et-les-personnels-defendre-lupjv
Vous trouverez l’appel du collectif de doctorant.e.s de l’UPJV ici : https://framadrop.org/r/kMnw_i8GaT#BGurkO1HmTMNJuIBinEk62zVWCMiJA4ORO8KUxoZBx4=. Pour le signer ou le soutenir : doctorantspascontents@gmail.com
http://cgt.fercsup.net/spip.php?article3763
http://cgt.fercsup.net/spip.php?article3756