À la mi-novembre, l’ANCMSP mettait à disposition de tous le rapport pour la campagne 2007-2008 de qualification établi par la section 04 (science politique) du Conseil National des Universités sur son site.
Le C.N.U. constitue l’instance nationale qui se prononce sur les mesures relatives à la qualification, au recrutement et à la carrière des enseignants-chercheurs (professeurs et maîtres de conférence) de l’enseignement supérieur. Il est composé de groupes, eux-mêmes divisés en sections disciplinaires (la 04 étant celle de science politique).
Les rapports de session produits par les sections du C.N.U. constituent des documents très importants pour les disciplines qu’ils concernent, et ce à au moins trois égards. Tout d’abord, ces rapports permettent de fixer « les caractéristiques des candidatures à la qualification » (p. 1) aux fonctions de Maître de conférence et de Professeur des universités.Ensuite, leur large diffusion est par ailleurs un critère de transparence et d’égalité d’accès à l’information dans une discipline donnée, en particulier pour les docteurs ou futurs docteurs aspirant à la qualification. Enfin, ces rapports contribuent à fixer les critères de scientificité qu’une discipline choisit d’instituer en critères de recrutement.
A la lecture de ce document, quatre points retiennent l’attention.
1- Une quasi-obligation de traduction en français des travaux rédigés dans d’autres langues
L’ANCMSP relève la nécessité pour les candidats de présenter des dossiers de demande de qualification « francisés », qui incite très fortement les candidats à (faire) traduire leurs travaux publiés en langue étrangère vers le français. Les membres de la section estiment en effet que « tous les candidats présentant des travaux en langue étrangère doivent fournir une traduction » et s’accordent par conséquent le droit de « déclarer irrecevables des dossiers qui ne s’accompagneraient pas de ces traductions », sans toutefois faire de cet élément un motif d’irrecevabilité systématique.
Si cet élément répond à la nécessité de garantir et faciliter l’examen de toutes les pièces du dossier par les rapporteurs, il n’en demeure pas moins problématique et apparemment contreproductif pour la discipline.
a) En contraignant à traduire en français des travaux publiés en langue étrangère, la section va à rebours de l’injonction des Ecoles doctorales, des structures d’accueil et des employeurs d’une ouverture à l’international des publications, de la visibilité des travaux et de l’inscription dans des réseaux européens ou internationaux des Jeunes Chercheurs inscrits dans des établissements français. Ne risque-t-on pas ainsi d’inciter au développement d’une « préférence nationale » à la publication ?
b) Cette contrainte frappe directement les Jeunes Chercheurs français (en temps et en argent, les textes publiés pouvant être directement rédigés dans une autre langue) et étrangers (coût supplémentaire pour faire traduire les travaux en français) présentant un profil de publication international. Cela risque également de creuser les inégalités entre les candidats ayant les moyens de faire faire les traductions grâce à des subsides personnels ou aux services de leur institution de rattachement, et ceux qui ne les auraient pas. Ce point pourrait enfin dissuader les candidatures de docteurs étrangers — même parfaitement francophones — à la qualification en science politique.
c) Aucune précision n’est donnée sur les critères d’usage (ou de non-usage) de cette clause d’irrecevabilité des dossiers.
L’ANCMSP invite la section 04 à préciser la manière dont elle entend user de ce point lors des prochaines campagnes de qualification.
L’ANCMSP souhaite que la section 04 accepte a minima (et l’indique publiquement) les articles, ouvrages, chapitres ou communications rédigés en anglais, reconnue comme langue d’échange scientifique internationale.
2- La valorisation des travaux sur des sujets différents de celui de la thèse
L’ANCMSP relève que la section 04 du CNU encourage les candidats à présenter des publications sur « des sujets distincts de celui dont traite la thèse ». Cela traduit une hausse très forte des exigences qui pèsent sur les aspirants à la qualification depuis plusieurs années (cf. les rapports antérieurs de la section, disponible à la rubrique « Qualification » du site de l’ANCMSP.
Or, ce point, comme le précédent, n’est pas du seul fait ou ressort des Jeunes Chercheurs. Laboratoires, directeurs de thèse, Ecoles doctorales… nombreux sont les acteurs favorisant (ou non) l’inscription dans des réseaux de recherche parallèles à la thèse, décrochent des contrats permettant de dégager des vacations-recherche pour les doctorants, ou encore impliquent leurs Jeunes Chercheurs dans des projets diversifiés (ANR, ACI…).
Par ailleurs, alors même que l’incitation actuelle par les Ecoles doctorales est au raccourcissement de la durée des thèses en SHS, cette requête apparaît comme un critère d’appréciation mettant en cause l’équité des candidats à la qualification.
Sans remettre en cause la prise en compte d’un tel élément dans la procédure de qualification, l’ANCMSP demande à la section de garantir qu’elle pondèrera ce critère d’appréciation de la qualité des thèses et des parcours doctoraux en fonction des possibilités objectives de diversification des travaux par les candidats.
3- La question de l’insertion professionnelle des docteurs qualifiés et non-qualifiés
Comme les années précédentes, le rapport indique : 1) qu’environ 2/3 des demandes de qualification sont refusées ; 2) que la section 04 refuse de qualifier au pro rata du nombre de postes de Maîtres de Conférences proposés au concours.
Hormis les actions menées par les organisations représentant les jeunes chercheurs (ANCMSP, CJC, ANDES…), rares sont les mobilisations en faveur de la valorisation du doctorat comme véritable expérience professionnelle auprès des employeurs publics non universitaires, privés ou du tiers secteur. Pour rappel, vous pouvez consulter l’intervention de l’ANCMSP sur la valorisation du doctorat pour la Confédération des Jeunes Chercheurs durant l’atelier sur les carrières d’EURODOC, confédération européenne des associations de jeunes chercheurs le mois dernier à Rennes.
Il convient dans ces conditions de bien rappeler à l’ensemble des membres statutaires de la discipline le rôle qu’ils sont appelés à jouer dans l’insertion professionnelle des docteurs.
Ainsi, l’arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale demande désormais explicitement aux Ecoles doctorales d’organiser « un suivi de l’insertion professionnelle des docteurs et, plus généralement, de l’ensemble des doctorants qu’elles ont accueillis ». Dans le contexte de pénurie des postes aussi bien à l’université que dans la recherche, il apparaît plus urgent que jamais que la profession s’organise pour assurer aux docteurs des débouchés professionnels décents et à la mesure de leurs compétences.
4- La faiblesse des moyens alloués par le ministère à l’avancement des carrières
Si l’on peut se féliciter de la publication par la section des données concernant les demandes d’avancement, l’ANCMSP tient toutefois à souligner l’extrême faiblesse des moyens pour répondre aux demandes d’avancement des enseignants-chercheurs de la discipline. Au-delà des problèmes de postes que provoque la création des « chaires d’excellence », la maigreur des budgets alloués à la réévaluation des carrières des enseignants-chercheurs prouve une fois de plus, s’il en était encore besoin, de la nature des annonces de « valorisation » et d’amélioration de « l’attractivité des carrières universitaires » régulièrement professées par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Cordialement,
L’ANCMSP