L’étranglement de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche publics continue. Si la réforme des retraites préparée par M. Delevoye touche l’ensemble des actifs et des actives, ses conséquences sont particulièrement marquées sur les travailleur·ses de l’ESR. Elle arrive après la loi sur l’autonomie des universités, l’individualisation des carrières, puis ParcourSup, et alors que le budget prévisionnel 2020 de l’ESR ne fait que suivre l’inflation, comme les années précédentes.
Les travailleur·ses de l’ESR seront particulièrement impacté·e·s par la réforme. Les estimations chiffrées et les analyses publiées par les organisations syndicales sont extrêmement parlantes*. La comparaison des calculs prévisionnels avec les pensions actuelles témoigne de perditions de revenus entre 25% et 40% pour les travailleur·ses en poste, et cela dès aujourd’hui. Nous payerons donc très cher les spécificités de nos disciplines : des carrières longues, un passage plus tardif au grade de Professeur des universités (PU) et une sous-dotation généralisée et persistante des SHS en feront les premières disciplines concernées par cette chute des retraites.
Dans le cas d’une carrière “classique”, pour une fin de carrière en PU 1ère classe à 65 000€ brut par an, ayant gagné au total 2 millions d’euros brut dont 150 000€ de primes, et qui aurait cotisé de 25 à 67 ans (42 ans), ayant donc une retraite à taux plein, la baisse est estimée à 37% de la pension entre le système actuel et le système post-réforme. On passerait en effet d’une retraite équivalent à 75% du salaire (49 000€ par an; 4 000€ par mois) à une retraite valant 48% du salaire final (31 000€ par an ; 2 600€ par mois)**.
Cette estimation s’avèrerait bien pire pour la majorité des doctorant·e·s et docteur·e·s sans poste aspirant à une carrière universitaire. Le montant de la pension n’étant plus calculé sur les 6 derniers mois de carrière mais sur l’ensemble des points réunis au cours de la vie professionnelle, cette baisse pourrait atteindre des niveaux au mieux catastrophiques, au pire invivables. Avec une cotisation en dents de scie durant et après la thèse, au gré des financements, des allocations chômage et des aides sociales, un post-doctorat s’allongeant pour une arrivée en poste et un avancement de carrière plus tardifs, les doctorant·e·s et docteur·e·s actuel·le·s verront leurs années de cotisation, et donc leurs pensions, se réduire à peau de chagrin, quand bien même ils·elles obtiennent un poste.
La précarité pèse déjà fortement sur les doctorant·e·s : les deux tiers des thèses en SHS sont réalisées sans financement; ces thèses non financées sont généralement plus longues encore que les autres, augmentant encore le temps nécessaire pour cotiser avant d’obtenir une retraite à taux plein. Beaucoup de doctorant·e·s non financé·e·s étant aussi vacataires, et les vacations n’ouvrant pas de droit au chômage, le calcul de la retraite par points ne pourra donc qu’aggraver une situation déjà plus que difficile pour les jeunes chercheur·se·s. Déjà actuellement, ils et elles connaissent une décote importante du fait de la difficulté à cotiser 42 ans et/ou des carrières internationales avec cotisations à l’étranger qui ne sont que rarement reconnues.
Dans l’ESR, les moyens d’actions face à cette réforme existent et certains ne sont pas différents d’autres secteurs. Nous avons rappelé par le passé le sérieux des moyens d’actions à notre disposition, au-delà des pétitions et des tribunes publiées dans la presse. Comme tous les fonctionnaires, comme les personnels précaires qui en donnent l’exemple chaque année dans diverses universités, les collègues titulaires peuvent également se mettre en grève, stopper la production de diplômes en retenant les notes, et accompagner l’organisation d’assemblées générales pour informer et mobiliser sur la réforme dans leurs différentes UFR.
Des mobilisations sont en cours partout en France. Déjà la majorité des syndicats appellent à la grève reconductible à partir du 5 décembre. L’ANCMSP appelle également à rejoindre massivement le mouvement : localement, dans les laboratoires, les écoles doctorales, les universités, et nationalement, en se mettant en grève et en allant manifester le 5 décembre.