Doctorat et bibliothèque à Sciences Po : communiqué ANCMSP

L’ANCMSP souhaite réagir et interpeller l’Institut d’Études Politiques de Paris au sujet de deux décisions récentes, particulièrement discriminatoires envers les jeunes chercheurs. Ces mesures se sont succédées dans l’indifférence générale au niveau de la discipline, et sans concertation sérieuse avec les publics les plus directement concernés.


1. Durée des thèses : une décision unilatérale de la direction

La première mesure concerne l’annonce de l’application rétroactive de l’obligation, pour les doctorants de l’École doctorale de l’établissement, de terminer leur doctorat en trois ans, alors que cela ne faisait pas partie explicitement des clauses du contrat passé en début de thèse entre les doctorants, leur directeur de thèse et la direction de Sciences Po. Cette mesure annoncée à la fin du mois de mars intervenait de façon unilatérale, sans que la discipline n’ait produit de réflexion préalable afin de « calibrer » en amont et en aval la thèse et son évaluation sur cette durée, et sans que soient prises en compte les situations différentes des doctorants.

Suite à cette décision, les représentants doctorants de Sciences Po se sont fortement mobilisés pour dénoncer le manque de concertation et l’isolement institutionnel de leur établissement ; leur pétition en ligne a recueilli, en très peu de temps, plus de 350 soutiens. À l’heure actuelle, le compte-rendu des représentants doctorants du Conseil de l’École Doctorale de Sciences Po du lundi 30 mars 2009 semble indiquer que cette mesure a été, fort heureusement, neutralisée [[Le compte-rendu indique que « les modalités de réinscription des 4e et 5e années restent, pour les prochaines années, souples : la réinscription dépend en premier lieu de l’avis du directeur de thèse, et non d’une instance décisionnelle de l’École Doctorale » ; de plus, « le principe de rétroactivité semble, du moins dans les discours, abandonné et les « vieux » doctorants actuels devraient pouvoir finir leur thèse sans être menacés ». Néanmoins, « la question des critères et procédures de
la radiation au-delà de la 5e année demeure sans réponse ».]].

L’ANCMSP rappelle que la diminution de la durée des thèses doit résulter d’une amélioration des conditions de travail, de financement et d’encadrement des doctorants, et non de contraintes administratives ou gestionnaires imposées par des potentats. Sa mise en oeuvre ne doit pas conduire à précariser les doctorants en leur interdisant la réinscription alors même qu’ils peuvent démontrer la progression de leurs recherches, ou à accentuer le pouvoir discrétionnaire des écoles doctorales sur le présupposé « privilège » de la réinscription. Elle devrait surtout être préparée en amont en associant doctorant, directeur de thèse, équipes de recherche et établissement afin de concevoir un sujet qui pourra être traité dans ce délai imparti. Elle devrait, en aval, être validée par les sections du CNU dans leurs critères de qualification.

2. Bibliothèque : discriminations à l’accès

La seconde mesure concerne l’accès restreint aux salles de lecture de la bibliothèque de Sciences Po Paris, qui établit une distinction entre les personnels de l’IEP et les « lecteurs extérieurs à l’institution ».

La mesure, annoncée le 27 mars, est certes exceptionnelle et, espérons-le, temporaire [[Le site Internet de la Bibliothèque laisse entendre que cette mesure est toujours d’actualité.]] ; il s’agit toutefois d’une rupture dans l’égalité d’accès à des équipements de recherche particulièrement utiles lors de la préparation des épreuves en loge de l’agrégation de sceince politique qui se déroule précisément en ce moment.

L’ANCMSP appelle au retrait de cette mesure, et s’assurera qu’elle n’en inspirera pas d’autres qui prolongeraient cette pratique discriminatoire entre des usagers qui s’acquittent pourtant de frais d’inscription (élevés) à la bibliothèque de Sciences Po.

Ces décisions surviennent dans un climat très particulier, au sujet duquel les jeunes chercheurs ont toutes les raisons de s’inquiéter. L’application des réformes en cours se produit sans consultation ni réflexion de fond ; la solidarité des personnels titulaires se fait plus discrète que le soutien des étudiants et jeunes chercheurs aux mobilisations autour du statut des enseignants-chercheurs ; enfin, les violences se multiplient au cours des manifestations. Ces constats pointent des situations inacceptables qui doivent être dénoncées.