Pétition CNRS : « Non au mépris »

Pétition contre la destruction des travaux des candidats et au sujet de la taille des programmes de recherche.


Non au mépris

Aucune solution facile à mettre en oeuvre n’ayant été trouvée pour diffuser et faire signer sur une même feuille la pétition dans des délais raisonnables, il a été décidé que chacun l’enverrait, signée et accompagnée de ses nom et prénom, éventuellement de ses fonctions, directement au directeur général du CNRS, M. Bernard Larrouturou
– soit en l’imprimant et en l’adressant par la poste à M. Bernard Larrouturou, Direction générale du CNRS, 3 rue Michel-Ange 75016 PARIS
– soit par e-mail au même DG dont l’adresse électronique est Bernard.Larrouturou@cnrs-dir.fr

Afin qu’une centralisation des résultats de cette action soit possible, merci d’adresser une copie de votre lettre ou de votre message électronique aux adresses suivantes :
Pétition « Non au mépris »
c/o CEAN-IEP
11 allée Ausone
33607 Bordeaux cedex
ou petitioncnrs2004@sciencespobordeaux.fr

Non au mépris

Les candidats à un poste de CR1 ou CR2 du CNRS ont été consternés par deux mesures nouvelles prises par la direction et relatives aux procédures des concours pour 2004.

Le CNRS vient en effet de décider que les thèses, livres, articles, rapports, etc. joints à l’appui de chaque dossier de candidature seraient désormais détruits à l’issue du concours et non plus restitués aux candidats comme cela était le cas auparavant.

Le CNRS a, de plus, décidé que les projets de recherche proposés par les candidats feraient, au maximum, trois pages.

Les soussignés, candidats, chercheurs en poste, enseignants-chercheurs, protestent contre le profond mépris témoigné, en cette occasion, par la direction du CNRS, envers les difficultés matérielles des candidats et le coût d’une candidature. Les thèses font, dans certaines matières, plus de 500 pages voire plus de 1000 pages ; les exemplaires d’ouvrages doivent souvent être rachetés à l’éditeur, etc., toutes dépenses auxquelles il faut ajouter pour les candidats provinciaux, le transport vers et de Paris (lieu des auditions) et une ou deux nuits d’hôtel. Une candidature étant rarement couronnée de succès dès la première fois et les candidats l’étant souvent pour plusieurs postes, ces dépenses devront donc être répétées pour chaque poste (même si c’est le même rapporteur) et chaque année.

Les soussignés s’étonnent enfin de la signification d’imposer, uniformément pour toutes disciplines, un projet de recherche de « trois pages maximum » au lieu des 20 à 30 pages attendues précédemment. Pourquoi pas des mots-clefs ? Comment comparer scientifiquement des projets exprimés en quelques phrases ?

Les soussignés demandent que :
1) la documentation jointe soit renvoyée aux candidats qui le souhaiteront
2) la direction du CNRS modifie le site web et informe les candidats qui ont déjà déposé leur dossier qu’ils peuvent le compléter jusqu’à la date de clôture des dépôts de candidature.

Le 2 janvier 2004″

Argumentaire de la pétition

C’est avec une profonde indignation que les candidats aux concours de chercheurs du CNRS (CR1 et CR2), toutes sections confondues, viennent d’apprendre que cette année leurs publications et leur thèse, jointes aux dossiers de candidatures, seront détruites à l’issue des épreuves d’admission. Jusqu’à présent, ces documents étaient retournés aux candidats après le concours.

Outre le fait que l’ouverture du concours CNRS ait eu lieu tardivement cette année (site web ouvert à partir du 9 décembre 2003, pour une date limite le 16 janvier 2004 !), ce qui n’est pas du plus grand fair play, cette décision montre à quel point la recherche française est entrée dans une très nette phase de recul. Le sort réservé aux futurs chercheurs en France n’est déjà pas très glorieux (baisse générale des crédits de la recherche, réduction drastique des postes ouverts au recrutement au moment où les départs à la retraite se multiplient, etc.), mais il semble en outre que tout soit fait pour décourager ceux qui persistent à croire à l’avenir de la recherche dans notre pays.

L’idée d’organiser avec les dossiers des candidats ce que l’on est en droit d’appeler un gigantesque autodafé est consternante et lamentable. Comme l’ont souligné les secrétaires scientifiques des sections du Comité national du CNRS dans leurs motions votées à l’unanimité le 17 décembre 2004, « cette décision donne une image déplorable du CNRS dans la communauté scientifique nationale et internationale ». Elle s’ajoute aux nouvelles conditions de concours décrites sur le site web du CNRS où l’on apprend que le programme de recherche proposé par les candidats devra comporter au maximum 3 pages, ce qui ne pourra que « nuire à la qualité des dossiers scientifiques et au travail d’évaluation des jurys d’admissibilité », et que pour chaque poste ouvert au concours un nouveau dossier devra être fourni (alors que ce sont les mêmes commissions, et souvent les mêmes rapporteurs qui auront à juger des candidatures, quels que soient les postes en vue).

Les candidats chercheurs au CNRS ont le sentiment d’être méprisés au plus haut point, comme probablement jamais ils ne l’ont été auparavant. Aucun autre organisme public ou privé de recherche n’a jamais envisagé une telle destruction documentaire comme vient de le faire le CNRS dont le directeur général, Bernard Larrouturou, nous affirme pourtant qu’il s’agirait d’un « formidable espace de créativité et d’ouverture », un organisme « toujours plus dynamique et audacieux ». Quelle audace en effet que de demander à des chercheurs d’admettre que leurs travaux, réalisés pendant des mois ou des années de travail (souvent non rémunérés), soient peut-être jetés au feu ou plus prosaïquement passés à la déchiqueteuse !

Les frais engagés par le CNRS pour renvoyer aux centaines ou aux milliers de candidats, toutes sections confondues, leurs documents, sont certes exorbitants et peut-être inacceptables dans une phase d’austérité budgétaire. Mais quel dédain pour le travail des candidats que de leur annoncer sans état d’âme et sans solution de rechange que leur thèse et le cas échéant, leurs ouvrages parus, seront détruits !

· Cette décision dénote un mépris total pour les objets « thèse » ou « livre » en eux-mêmes, qui ne mériteraient pas plus que d’être détruits. La destruction collective et massive des ouvrages est-elle encore de notre temps ?
· Elle signale une indifférence inadmissible à l’encontre des difficultés financières et matérielles que rencontrent les candidats qui sont pour la plupart à la recherche d’un emploi ou dans des conditions de travail précaires. Les candidats chercheurs dépensent déjà des sommes considérables pour se présenter à divers concours où les mêmes documents sont demandés (dont les thèses qui peuvent être volumineuses, en sciences humaines et sociales notamment). Pour les provinciaux s’ajoutent les frais de transports et d’hôtel à leur charge au moment des auditions. Faut-il vraiment ajouter à tous ces engagements financiers de nouvelles dépenses ? Surtout que cette année, avec le système des dossiers multiples qui vient d’être instauré, ce n’est pas un mais plusieurs exemplaires de la thèse ou des livres parus qui devront être adressés au CNRS ! Par ailleurs, chacun sait que les recrutements sont rares dès la première année de candidature. Chaque année il faudra donc s’engager sur des dépenses qui ne recouvreront même pas les candidatures des années suivantes ?
· A l’heure où l’écologie est à l’ordre du jour et où les politiques de recyclage du papier sont mises en œuvre un peu partout, n’y a-t-il pas une incohérence manifeste à ce que des dizaines de milliers de pages soient « détruites », dans des conditions non explicitées ? Gageons que le CNRS ne fera pas intervenir une société de recyclage papetière, ce qui serait tout de même le comble du paradoxe !
· Que penser aussi de cette ineptie économique qui engage à détruite des thèses ou des ouvrages publiés quand les bibliothèques universitaires ou les centres de documentation n’ont souvent pas assez d’argent pour se procurer des livres ?

Les solutions pour éviter ce gaspillage de papier, d’énergie et d’argent existent pourtant, en évitant même que le CNRS ait à payer tout de sa poche trouée, si telle est bien la motivation de cette procédure aussi inédite que déroutante :
– on pourrait donner une date limite aux candidats pour qu’ils se déplacent et viennent récupérer leurs documents sur place
– on pourrait demander aux candidats d’envoyer des enveloppes ou des colis pré-affranchis afin que ces documents leur soient renvoyés à leur frais (cela leur coûterait moins cher que de refaire des copies chaque année). C’est d’ailleurs le système que proposent plusieurs autres organismes de recherche dans les dossiers de candidature.
– A tout le moins on pourrait imaginer une récupération des thèses et ouvrages par les bibliothèques qui se chargeraient d’assurer leur enlèvement et de les mettre à disposition du public.

Bien d’autres idées pourraient être mises en œuvre.
Les têtes bien remplies des candidats chercheurs ne manquent pas d’imagination et peut-être, s’ils avaient été consultés, auraient-ils pu donner leur avis sur la question. Mais il semble qu’en matière de concertation le CNRS ne soit pas à la pointe puisque, selon les secrétaires scientifiques, la plupart des nouvelles conditions de recrutement instaurées cette année l’ont été sans discussion avec les membres des commissions scientifiques.

Il est déjà trop tard pour modifier maintenant les conditions scientifiques et techniques de présentation des dossiers (nombre de pages des dossiers de recherche, nombre de dossiers à présenter), sous peine de voir la validité du concours dans son ensemble mise en cause. Il n’est en revanche pas trop tard pour que la direction du CNRS modifie sa manière de voir quant à la destruction prévue des documents. Nous demandons que soient soit prises en compte les protestations des candidats, au moins à ce sujet.