« Qui veut la mort des SHS ? »
Au 10 mai 2004, la pétition sur l’avenir des sciences humaines et sociales comptait 2 370 signataires. La campagne de signatures est maintenant terminée.
Liste complète des signataires
Associations
– ANCMSP : Association nationale des candidats aux métiers de la science politique
– AECSP : Association des enseignants chercheurs en science politique
– TRANSVERSALES : Association franco-allemande de jeunes chercheurs en sciences sociales
– DURS : doctorants de l’Université Robert Schuman Strasbourg
– EFiGiES : Association des jeunes chercheuses et chercheurs en études féministes, genre et sexualités
– Collectif des Enseignants et Chercheurs Précaires
– ASPASIE : Association de Science Politique Aixoise et de Solidarité Inter-Etudiante
Particuliers
Merci de vous reporter à l’archive ZIP des signataires particuliers en fin de page.
Texte de la pétition
« Qui veut la mort des SHS ? »
Alors que la demande d’expertise en sciences humaines et sociales (SHS) est en constante augmentation dans l’action publique, les SHS sont aujourd’hui les plus mal loties de la politique de la recherche. Elles sont cantonnées au rôle de « supplément d’âme », d’une science potentiellement « dangereuse » (C. Haigneré in Lettre à tous ceux qui aiment l’école). Pourtant M. Luc Ferry, agrégé de philosophie et de science politique, s’il ne veut pas renier la formation qu’il a suivie, doit reconnaître que ces disciplines sont importantes pour la société.
Le budget 2004, lui, ne va pas dans le sens de cette reconnaissance et affecte en particulier les jeunes chercheurs, qui sont souvent les chercheurs confirmés de demain. Les conditions des doctorants sont en effet le plus souvent précaires. A moins d’obtenir l’une des rares allocations de recherche (1177 en SHS pour près de 40 000 doctorants pour 2701 en sciences dures pour 20 000 doctorants), le travail intellectuel des doctorants est dominé par une incertitude matérielle extrême. L’enchaînement de petits boulots retarde l’aboutissement de la thèse… alors que les doctorants participent activement à la recherche et aux enseignements dispensés à l’Université. On devient généralement docteur à 30 ans et les perspectives d’emploi sont quasi nulles.
Or, pour la première fois depuis des décennies, aucun poste n’est crée cette année dans les universités. Le CNRS supprime des postes titulaires pour la deuxième année consécutive et sa direction annonce cette tendance comme une politique de long terme. Le manque d’enseignants en SHS débouche sur des amphis surchargés où seuls les plus dotés culturellement et socialement pourront tirer leur épingle du jeu. Cette faiblesse de l’encadrement fait de l' »Université pour tous » une vaste illusion.
Cela ne semble pas gêner le gouvernement actuel, qui annonce à la fois qu’un départ à la retraite sur deux ne sera pas remplacé et qu’il manque 18 000 postes pour assurer un enseignement de qualité dans les universités. D’après les chiffres de l’Union européenne, l’Europe a besoin de 600 000 chercheurs supplémentaires d’ici à 2010 pour rester compétitive face aux Etats-Unis. Peu regardant sur ses paradoxes, le gouvernement français affirme « compenser » les suppressions de postes statutaires par des contrats à durée déterminée. Pour rendre les carrières d’enseignant et de chercheur attractives en France, il faut proposer autre chose qu’une précarité institutionnalisée et chichement rémunérée !
Engager une entreprise de démantèlement de la recherche et de l’enseignement des sciences sociales conduirait pourtant d’abord à une mobilisation sans précédent des étudiants engagés dans ces filières, eux qui ont déjà le sentiment d’être les parents pauvres de l’enseignement supérieur ; à l’exaspération des jeunes chercheurs, ensuite, qui n’auront d’autre choix que l’exil ; à l’affaiblissement durable de la position de la France dans des disciplines que personne ne pourra juger secondaires : sciences économiques, sciences de gestion, sciences de l’éducation, sociologie, science politique, droit, anthropologie, psychologie, histoire… Cela conduira surtout la France à se priver d’une source d’intelligence collective indispensable à la résolution des problèmes auxquels notre société se trouve confrontée (ville, éducation, valeurs, économie, démocratie, relations interculturelles, droit et justice, santé publique, éthique…) Pour donner à la 4ème puissance économique mondiale les moyens d’une recherche ambitieuse, nous appelons le gouvernement à « revoir sa copie », à reconsidérer sa politique à l’égard des sciences humaines et sociales.
Nous demandons l’application du texte signé lors du sommet européen de Barcelone (2001), visant au rattrapage du niveau de l’enseignement et de la recherche par rapport aux Etats-Unis. Dans l’immédiat, nous demandons la transformation des CDD en CDI. A moyen terme, il faut, plutôt que d’en supprimer, créer des postes d’enseignants et de chercheurs et garantir la dotation des laboratoires. L’investissement dans la connaissance doit être une vraie priorité nationale.
Que le gouvernement fasse ce qu’il s’est engagé à mettre en œuvre : « Réinscrire la science dans la société » en luttant contre « la désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques » et endiguer « l’exil des cerveaux les plus brillants » (C. Haigneré, Le Monde, 5 décembre 2002).
OUI ! L’investissement dans la recherche et l’enseignement en SHS est rentable pour une nation sur le court, le moyen et le long terme !!
OUI ! Au-delà d’un « supplément d’âme », la recherche et l’enseignement en sciences sociales contribuent à l’intelligence collective d’un pays !!