Colloque de Grenoble – 28 et 29 octobre 2004
Intervention d’Hélène Combes, doctorante, membre du CIP
Bonjour à tous et à toutes,
Avec ce colloque se clôture plus de 8 mois de réflexion intensive sur notre système de recherche. Parmi les nombreuses questions cruciales qui ont été débattues, celle des jeunes chercheurs occupe une place particulière. Cette question a été l’un des éléments déclencheur du mouvement « Sauvons la recherche » dont découle en partie ce colloque. Jeunes chercheurs au sein du CIP, Sylvain Collonge et moi-même, avons planché sur les possibilités de reformes de la recherche dans son ensemble, en y apportant le regard et l’expérience de notre situation de non-titulaires. Cette situation particulière nourrit ma volonté d’ouvrir ces assises en évoquant à nouveau la question des jeunes chercheurs et en interpellant messieurs les ministres. Je me fais en cela l’écho des inquiétudes et des revendications d’associations de jeunes chercheurs comme la CJC, l’ANCMSP, etc.
La situation de 70 000 doctorants et de plusieurs milliers de docteurs sans poste reste catastrophique et intolérable. Les situations de travail au noir sont légions. Les institutions les plus prestigieuses monnayent notre insertion en leur sein contre des conditions de travail déplorables et parfois illégales. Nous en arrivons à faire de la recherche et de l’enseignement de manière quasi bénévole, parfois sans couverture sociale et sans cotiser pour la retraite, dans l’hypothétique espoir qu’une ligne supplémentaire sur notre CV fera la différence le jour du recrutement face aux dizaines de candidats tout aussi qualifiés et dans une situation tout aussi critique que la nôtre. On voit apparaître un nouveau phénomène de société : le retour chez ses parents du trentenaire docteur, chômeur en fin de droits, qui ne peut plus louer un appartement, même exigu. Avec la réforme de l’assurance chômage notre situation s’est encore dégradée et de plus en plus de docteurs se retrouvent au RMI.
Alors que nous sommes des acteurs essentiels à la production scientifique dans les laboratoires et que nous donnons une vision dynamique de la recherche française à l’étranger, nous sommes considérés par l’institution comme que des étudiants attardés, situation qui débouche non pas sur quelques années de précarité mais sur dix voire douze ans dans certaines disciplines.
Bref, ces cas sont connus depuis longtemps et dénoncés par les jeunes chercheurs. Ces états généraux ont eu le grand mérite de donner une lisibilité globale à ces phénomènes. Ils ont aussi été l’occasion pour la communauté scientifique de mener une réflexion sur ces pratiques quotidiennes. Suite à ce travail collectif, nous sommes convaincus que la communauté scientifique est prête à changer d’attitude à l’égard des jeunes chercheurs, à garantir la transparence des recrutements, à assurer un véritable encadrement des doctorants (par les directeurs, mais aussi par les laboratoires et les écoles doctorales), à aller vers une diminution de la longueur des thèses dans certaines disciplines. Les échanges entre disciplines sur la manière d’encadrer les doctorants ont généré de véritables prises de conscience.
La communauté scientifique, sur la question des jeunes chercheurs et de bien d’autres points, est mûre pour une révision de ces pratiques. À vous messieurs les ministres de mettre à sa disposition les instruments de ces changements.
Comment assurer ces changements ?
– Un plan pluriannuel pour l’emploi. Le budget prévisionnel 2005 est très, très largement insuffisant sur ce plan. Plus généralement, les mesures pour les jeunes chercheurs sont quasiment inexistantes. Nous ne voulons plus de bricolage et d’effet d’annonce autour de la création de postes. En SHS, il n’est plus tenable que la démocratisation de l’éducation supérieure soit en grande partie assurée par des non-titulaires et cela au détriment de leur recherche. De plus, nous le répétons encore une fois : l’avenir de la recherche réside dans l’emploi pérenne.
– La reconnaissance du caractère professionnel du doctorat qui implique une reconnaissance salariale du travail réalisé. Ceci passe aussi par la mise en place d’un cadre juridique commun pour les doctorants.
– Une revalorisation des salaires des jeunes maîtres de conférences, chargés et ingénieurs de recherche.
– La représentation systématique des jeunes chercheurs non titulaires dans les conseils, qui serait un signe fort de démocratisation du système de recherche.
– Une valorisation du doctorat et son inscription dans les conventions collectives, préalable nécessaire d’une intégration correcte des docteurs dans le tissu socio-économique.
Messieurs les ministres, les jeunes chercheurs attendent maintenant des actes, un geste fort, preuve d’une véritable volonté politique pour régler cette question. Question qui concerne bien tous nos concitoyens car de son règlement dépend l’avenir de la recherche en France, la qualité de l’enseignement supérieur dispensé à la majorité des jeunes de ce pays et, plus généralement, l’irrigation de l’ensemble de la société par des professionnels capables d’appréhender la complexité croissante de notre monde.
Hélène Combes
Ce texte est soutenu par :
– l’Association nationale des candidats aux métiers de la science politique (ANCMSP) :
http://www.ancmsp.org
– La Confédération des jeunes chercheurs (CJC) :
http://cjc.jeunes-chercheurs.org
– Droit d’entrée (DDE) :
http://droit.dentree.free.fr