Le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) a publié ce jeudi 23 avril 2020 un communiqué de presse annonçant la “prolongation des thèses, contrats doctoraux et post-doctoraux impactés par la crise sanitaire”.
Dans ce communiqué, doublé par un passage de la ministre sur France Culture le même matin, le gouvernement s’engage à :
- “Autoriser les organismes et établissements qui accueillent des doctorants à prolonger la durée de thèse ainsi que celle du contrat doctoral, lorsque l’impact de la crise actuelle l’aura rendu nécessaire”.
- Rendre éligibles au dispositif de prolongation tous les doctorant·e·s sous contrat doctoral au moment de la crise sanitaire actuelle, qu’ils pourront “solliciter auprès de leur établissement d’inscription” pour une durée maximale d’un an.
- Porter une attention “particulière” aux contrats post-doctoraux ainsi que, plus généralement, à la situation des chercheur·se·s, ingénieur·e·s et technicien·ne·s sous CDD engagé·e·s dans des projets de recherche lors de la crise sanitaire actuelle, en leur accordant “lorsque nécessaire” une prolongation de leur contrat.
Bonne nouvelle donc ? L’ANCMSP se réjouit de ces annonces, certes adressées principalement aux seul·e·s doctorant·e·s financé·e·s, mais qui semblent au moins apporter des réponses à la crise actuelle. Ces annonces correspondent à des demandes portées par la Confédération des Jeunes Chercheurs (CJC) au sein de laquelle s’investit l’ANCMSP, et qui a rencontré la ministre en visioconférence le 2 avril dernier. Trois syndicats de l’ESR ont également demandé des mesures allant dans ce sens, de même qu’une large majorité des organisations représentées au CNESER (motion du 21 avril 2020).
Comme souvent cependant avec ce gouvernement, les effets d’annonce dissimulent un maintien du statu quo ainsi qu’un manque de moyens budgétaires :
Concernant la prolongation des thèses : la durée des thèses est de 3 à 6 ans. L’article 14 de l’décret du 23 avril 2009, version consolidée). Cette prolongation est décidée par le Président de l’université (l’employeur), ce qui implique que le seul pouvoir du ministère est un pouvoir budgétaire visant à soutenir financièrement les établissements qui souhaiteraient accorder ces prolongations.
Or dès lors qu’il s’agit du financement de ces prolongations (contrats doctoraux et postdoctoraux), les annonces sont comme toujours beaucoup plus floues. Elles mentionnent un “accompagnement financier des prolongations de contrats doctoraux, en particulier pour l’ensemble des contrats financés par l’Etat (y compris CIFRE et financements ANR)”, sans plus de précisions. Cet ”accompagnement financier” semble donc concerner en priorité les contrats doctoraux dont le financement dépend directement de l’Etat (ANR, CIFRE, contrats ministériels) et non des universités. Or, les contrats doctoraux financés par les universités représentent le financement le plus fréquent des doctorant·e·s.
Sur ce dernier point, le communiqué du ministère précise que « les organismes et établissements pourront aussi, lorsque nécessaire, prolonger les contrats de ces personnels avec un accompagnement financier par l’État« . Là encore, la nature et le montant de cet accompagnement ne sont pas précisés. En définitive, la prolongation des contrats doctoraux et postdoctoraux dépendra du bon vouloir des Présidents d’université et directeurs d’établissement. Sans dotation budgétaire supplémentaire de la part du ministère, il est douteux que ceux-ci affectent de nouveaux crédits aux doctorant·e·s et aux post-doctorant·e·s (ces avancées devront être conquises par des mobilisations locales).
La duplicité du gouvernement doit être dénoncée : le matin, Frédérique Vidal annonce un soutien financier aux doctorant·e·s et aux docteur·e·s et de nouvelles aides matérielles et financières aux étudiant·e·s ; l’après-midi, la Commission Mixte Paritaire adopte une seconde loi de finances rectificative pour 2020, qui ne prévoit aucun crédit supplémentaire fléché pour la recherche ! Pire encore : la veille, tous les amendements déposés au Sénat en faveur de mesures d’urgences pour l’enseignement supérieur et la recherche, notamment pour les étudiant·e·s précaires, étaient rejetés par les sénateur·rice·s de la majorité, conformément aux consignes du gouvernement.
Enfin, concernant les doctorant·e·s non financé·e·s pour leur recherche, le ministère ne prévoit… rien ! C’est donc la double peine pour ces dernier·ères, qui non seulement ne voient pas leur travail de recherche rémunéré, mais devront également supporter eux-mêmes les coûts financiers d’une année supplémentaire de doctorat. Rappelons qu’environ un tiers des doctorant·e·s ne bénéficie d’aucun financement pour leur recherche (deux tiers en Lettres et Sciences Humaines et Sociales).
Au-delà des effets d’annonce en contexte de crise, le gouvernement ne semble donc pas prêt à traduire ses intentions en moyens réels. A défaut et dans l’attente que les conditions d’un mouvement social d’ampleur national soient réunies, seules des mobilisations locales permettront de s’assurer, université par université, que les enseignant·e·s et chercheur·se·s non-titulaires soient protégé·e·s de la crise et obtiennent satisfaction.
Le Bureau de l’ANCMSP