La Conférence des présidents d’université a fait circuler le 20 mai 2020 une “proposition de critères relatifs à la prolongation des contrats doctoraux suite aux difficultés dans leur réalisation liées à la crise sanitaire”. Cette proposition (ci-dessous) identifie trois niveaux d’impact et des besoins de prolongation respectifs de 2 à 4 mois, de 4 à 8 mois, et de 8 à 12 mois. Si nous saluons la tentative de réduire l’arbitraire auquel pourraient être soumises les prolongations de contrats, ainsi que l’appel au MESR d’annoncer au plus vite les mesures budgétaires prévues pour ces prolongations, nous aimerions souligner plusieurs points d’attention à l’heure où écoles doctorales, universités, doctorant·e·s et chercheur·ses non-titulaires s’organisent pour ces prolongations.
- La prolongation de 2 à 4 mois devrait être attribuée automatiquement à tou·te·s les doctorant·e·s (et chercheur·ses contractuel·le·s dont post-doctorats) qui en font la demande. Évaluer pour chaque contrat la dimension “critique” du renouvellement nous paraît produire une charge non-nécessaire à la fois pour les chercheur·ses, les personnes en charge d’évaluer ces dossiers, et les personnels administratifs. Il paraît en effet assez évident que tou·te·s les chercheur·ses ont été touché·e·s d’une manière ou d’une autre par cette crise sanitaire (maladie, soin apporté aux proches, garde d’enfants, confinement dans des conditions rendant difficile ou impossible le télétravail, rupture dans l’accès aux terrains de recherche et aux sources documentaires, et enfin charge de travail accrue pour le maintien de la “continuité pédagogique” pour les enseignant·e·s). Une fois n’est pas coutume, les universités pourraient s’inspirer de l’Agence nationale de la recherche (ANR) qui a annoncé la “reconduction systématique” de tous les projets en cours pour une durée de 6 mois (et donc une prolongation, notamment, des contrats doctoraux et postdoctoraux dépendants de ces projets), avec la possibilité d’étendre cette prolongation jusqu’à 12 mois si nécessaire.
- Le projet de loi adopté par l’Assemblée Nationale indique que les chercheur·ses contractuel·les ont jusqu’à la fin de l’état d’urgence pour déposer leur demande de prolongation. Certaines universités ont demandé à leurs doctorant·e·s de le faire en quelques jours, parfois avec un argumentaire détaillé, ce qui nous paraît être une rupture d’égalité pour les doctorant·e·s (et contractuel·le·s) moins connecté·e·s. Si l’objectif est de peser dans l’attribution d’un budget par le MESRI à ces prolongations, les écoles doctorales et laboratoires peuvent simplement estimer que tous les contrats ont besoin d’une prolongation d’au minimum 3 mois, puis demander aux chercheur·ses de se signaler s’ils et elles estiment que la prolongation doit être plus longue pour mieux évaluer les besoins. En aucun cas l’obtention d’une prolongation ne peut être conditionnée à une demande faite en trois jours.
- La prolongation doit être une prolongation dédiée à la recherche. Certaines universités (Paris 1 notamment) demandent aux doctorant·e·s d’accepter une charge d’enseignement d’au minimum 32 HETD pour obtenir une prolongation. Cela est absolument inacceptable, et semble être une stratégie pour assurer que des enseignant·e·s précaires seront disponibles pour assurer les enseignements à distance, qui s’annoncent extrêmement compliqués et chronophages, à la rentrée 2020. La crise sanitaire a eu des impacts sévères sur les activités de recherche, alors que l’obligation de “continuité pédagogique” a pu faire exploser le temps dédié à l’enseignement. Cette clause serait également inacceptable si elle concernait des contrats post-doctoraux.
- Indépendamment de la prolongation ou non des doctorant.es contractuel·le·s, une exonération des frais d’inscription en doctorat pour l’année supplémentaire est nécessaire, en particulier pour les doctorant·e·s non financé·e·s. Rappelons que les doctorant·e·s ne devraient déjà pas payer ces frais en temps normal, puisqu’ils et elles sont des travailleur·ses de l’université. Il est encore plus inacceptable de faire payer des frais d’inscription pour une année supplémentaire (l’arrêté du 21 avril 2020 prévoit de nouvelles possibilités de réinscriptions dérogatoires) alors que celles-ci et ceux-ci ont vu leurs recherches interrompues pour des raisons indépendantes de leur volonté.
Enfin, les informations concernant les ATER et chercheur·ses en post-doctorat (à l’exception des postdocs ANR) sont encore très opaques.
Nous invitons donc :
- les doctorant·e·s et chercheur·ses contractuel·les à contacter au plus vite leurs directeurs et directrices de recherche, mais également d’école doctorale et laboratoires, afin de signaler leur intention de demander une prolongation de leur contrat ;
- les universités, écoles doctorales et laboratoires à faire preuve de responsabilité et de transparence, en ne conditionnant pas l’obtention d’une prolongation à une charge d’enseignement ou à une réponse dans des délais très courts, et accordant systématiquement des prolongations lorsque celles-ci correspondent à de courtes périodes (2 à 4 mois). Dans tous les cas, il convient d’impliquer les représentant·e·s des chercheur·ses concernées et des syndicats dans les délibérations ;
- le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche à établir une année blanche en matière de frais d’inscription en doctorat pour la période 2021-2022, ou, à défaut, les président.es et les conseils d’administration des universités à instaurer un nouveau dispositif d’exonération des frais d’inscription (ainsi que le permet le Code de l’éducation) au bénéfice des doctorant.es contraint.es de se réinscrire pour une année supplémentaire en raison de la crise sanitaire.
Nous vous invitons enfin tou·te·s à nous signaler (bureau@ancmsp.com) les cas d’abus liés à ces prolongations de contrats. Merci !
Rappelons que la priorité est de faire remonter au MESRI la situation très précaire et très incertaine dans laquelle se trouvent les doctorant·e·s et enseignant·e·s chercheur·ses non titulaires dans le contexte actuel, et de continuer à demander, non seulement des prolongations ponctuelles, mais aussi de nouveaux contrats et postes à tous les niveaux pour permettre à l’université d’assurer ses missions.