Organise toi-même une rétention des notes dans ta fac

Organise toi-même une rétention des notes dans ta fac

La rétention des notes figure parmi les outils de mobilisation les plus employés par les collectifs d’enseignant·e·s non titulaires ces dernières années : à Paris I (2016) ; Lille (2016) ; Nanterre (2018) ; Poitiers (2019) ; etc. des rétentions de notes – sur les résultats des partiels ou du contrôle continu – à l’échelle d’une ou plusieurs UFR, ont été mises en oeuvre par les vacataires, doctorant·e·s contractuel·le·s enseignant·e·s et ATER avec des revendications localisées mais toujours proches : opposition aux frais d’inscription en doctorat ; mensualisation du paiement des vacataires ; opposition au travail gratuit ; etc.

La rétention des notes c’est quoi ?

Si vous avez des notes de TD en contrôle continu et/ou des notes d’examen terminal, vous êtes généralement informé·e·s d’une date butoir de rendu. La rétention consiste en le fait de ne pas donner ces notes à l’administration avant la date butoir, et de mettre leur rendu en balance avec vos revendications. Il s’agit concrètement de se mettre en grève en n’effectuant pas cette tâche administrative habituelle de fin de semestre.
L’avantage de la rétention des notes, si elle est suivie collectivement, est qu’elle est à la fois peu visible pour les personnes la mettant en oeuvre – il suffit concrètement de ne simplement pas saisir ses notes – et n’empêche pas de continuer à vaquer à son travail de recherche habituel ou autre si l’on ne souhaite pas faire grève de l’ensemble de son activité, et dans le même temps relativement efficace pour perturber le fonctionnement routinier de l’université, étant donné qu’elle participe à bloquer les flux de distribution des diplômes.

J’aimerais bien me mobiliser en faisant la grève des notes, mais je ne sais pas comment m’y prendre ?

Ne partez pas seul·e dans votre coin en rétention des notes. L’isolement limite la portée de votre action et vous met en porte-à-faux avec vos interlocuteurs en matière d’enseignement. Si vous souhaitez faire la rétention des notes pour telle(s) raison(s) au sein de votre UFR, le plus simple est d’en parler à vos collègues non titulaires (via les élu·e·s de votre ED, la mailing-list des doctorant·e·s de votre ED), d’organiser à plusieurs une Assemblée Générale des enseignant·e·s non titulaires de votre UFR, et d’en débattre : quelles revendications ? Quel(s) mode(s) d’action pour les voir aboutir ?
Mieux, vous pouvez vous mettre en relation avec les doctorant·e·s et docteur·e·s sans poste des autres UFR et écoles doctorales, et organiser des AGs des non titulaires à l’échelle de votre université. Vous constaterez très vite que les problèmes sont les mêmes au sein de chaque composante, avec néanmoins quelques variantes, et que l’organisation collective est porteuse de solutions. Pensez, à l’occasion de vos AGs, à faire passer des feuilles de contact, où chacun·e des présent·e·s note son adresse électronique, pour constituer une mailing-list des non titulaires mobilisé·e·s (à l’échelle d’un, deux, ou plusieurs UFRs), vous coordonner et vous rencontrer régulièrement.
La grève des notes étant une modalité d’action collective, elle doit se voter en AG. Le plus simple étant de mettre au vote la grève des notes jusqu’à la date de l’AG suivante, et procéder ainsi tout le long.
Vous pouvez annoncer collectivement auprès de l’administration la rétention des notes :

  • À l’échelle de l’Université, en vous adressant (par mail via l’adresse électronique de votre collectif, par communiqué, autre) à la Présidence, en listant vos revendications et précisant votre/vos modalité(s) d’action.
  • À l’échelle de votre UFR, en vous adressant à votre administration avec les collègues de votre UFR, en précisant pourquoi vous faites la rétention des notes.

Dès lors, vous recevrez probablement des mails qui vous seront collectivement adressés, en particulier par l’administration de votre UFR. À vous de décider si vous y donnez suite ou non, mais il n’est pas utile de braquer vos collègues administratifs en ne donnant pas suite à leurs demandes. Soyez pédagogues, vis-à-vis de vos collègues personnels administratifs et des étudiant·e·s sur la grève que vous conduisiez, c’est le meilleur moyen qu’elles et ils vous soutiennent.

La date butoir est passée et l’on n’a pas saisi les notes, que fait-on ?

Une fois la première date butoir passée, vous êtes officiellement en rétention des notes. Pour une rétention au premier semestre, l’effet perturbateur est moindre, étant donné que contrairement à une rétention des notes au second semestre, il n’y a pas d’enjeux afférent à une remise en cause de la tenue des rattrapages et de la délivrance des diplômes. La plupart des universités fixent des délais conséquents entre la date butoir et la date à laquelle le fonctionnement de l’université est effectivement perturbé. C’est dans ce laps de temps que se jouera l’efficacité et les réussites éventuelles de votre mouvement. Discutez la prolongation de la rétention en Assemblée Générale et voyez comment évoluent vos discussions avec la Présidence de votre université quant à vos revendications.

C’est sympa la rétention, mais c’est un peu ennuyeux ! Que faire de plus ?

Plein de choses. D’une part communiquer autour de votre rétention, sur les listes de diffusion de votre université, de votre discipline, en y transmettant vos productions écrites, vos revendications, éventuellement des infographies. Vous pouvez travailler à amplifier le rapport de forces qui vous oppose à la Présidence de l’université en couplant la rétention à d’autres actions : non surveillance des examens et/ou grève des examens ; rassemblements et perturbation des conseils centraux de votre université (les rassemblements devant les conseils d’administration sont un outil de visibilisation de la grève intéressant) ; affichage sur les panneaux de votre université à propos de votre mouvement; piquet de grève ; tractage auprès des étudiant·e·s, tours de services pour communiquer sur votre grève auprès des personnels administratifs.

Concrètement, qu’est-ce que l’on risque ?

Vous risquez d’avoir une retenue sur salaire, calculée à partir de la première date à laquelle vous étiez censé·e·s rendre vos notes. Imaginons que vous faites 20 jours de rétention, vous risquez une retenue de 66% de votre salaire. Cette menace de la retenue sur salaire est souvent agitée pour remettre en cause la perturbation de ce mode d’action, mais réfléchissons-y : d’une part, le fait qu’il puisse effectivement y avoir des retenues sur salaire mises en place en rétention des notes prouve la capacité de nuisance de ce mode d’action, contrairement par exemple à la grève pédagogique, où vous vous contentez de ne pas donner cours un jour de grève pour vous rendre à une manifestation. C’est bien, mais ça ne gêne personne. De plus, nos camarades d’autres secteurs d’activité, lorsqu’ils sont en grève, subissent effectivement des retenues sur salaire (leurs patrons ne s’en privent pas) et mettent en place des caisses de grève pour les compenser. La retenue sur salaire est l’arme de l’administration de l’université pour peser face à nous dans le rapport de forces. Ici tout est question de rapport de forces, et les potentielles répercussions négatives dépendent de celui-ci.

Nous avons voté la levée de la rétention, que fait-on ?

Selon que vos revendications aient abouti ou non, vous pouvez communiquer à ce sujet. D’un point de vue pratique, si la rétention était relativement avancée, il peut être utile de se renseigner auprès de l’administration sur la nécessité ou non de leur venir en aide pour rentrer les notes en urgence.

Est-ce qu’on contacte les syndicats pendant notre mouvement ?

Oui ! Premièrement, assurez-vous d’être couvert·e·s par un préavis de grève. SUD Education dépose tout au long de l’année des préavis de grève généraliste, qui vous couvre dans tous les cas. Regardez également ce qu’il en est du côté du Snesup et de la CGT Ferc-Sup. Ensuite, entrez en contact avec les sections syndicales locales de votre université, bien que nous aurions tendance à vous conseiller de vous limiter à ces trois syndicats, et ne pas tenter le diable.
Vous pouvez leur demander assistance également pour mettre en place une caisse de solidarité pour financer la rétention des notes, en cas de risques de retenues sur salaire, bien que vous puissiez aussi vous organiser pour mettre en place vous-même votre propre caisse de grève, de préférence dès le début de votre mouvement.
Attention néanmoins : les syndicats de personnel EC à l’université sont souvent (très) majoritairement composés de titulaires, qui, ne faisant pas face à vos situations de précarité, pourraient ne pas comprendre votre grève, voire la délégitimer et la critiquer. N’y faites pas attention plus que cela, cela se retrouve au sein de chaque mouvement, invitez vos collègues titulaires à rejoindre votre grève, si elles et ils déclinent, n’insistez pas et ne perdez pas davantage votre temps.

Lire aussi :
FAQ du Snesup, « Rétention des notes » : https://www.snesup.fr/retention-des-notes
ANCMSP, « Sur les vacations, la rétention des notes et la grève des examens », 2019 : https://ancmsp.com/sur-les-vacations-la-retention-des-notes-et-la-greve