La recherche en SHS : ce que l’État sait déjà

À l’heure où le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche crée un Conseil pour “valoriser” les SHS et où des présidents d’université annoncent vouloir se mobiliser pour les SHS, l’ANCMSP propose un bilan de ce que l’État sait déjà sur ces disciplines, sur leur place dans la recherche scientifique en France, sur leur intégration dans l’enseignement supérieur, et sur l’insertion professionnelle des diplômés en SHS.


Un Conseil pour le Développement des Humanités et des Sciences Sociales a été installé en septembre 2009. Il aura la tâche de reprendre les travaux de son prédécesseur, créé en 1999, mais qui n’a jamais pu rendre qu’un seul rapport annuel, le rapport Supiot, la même année. L’expertise, comme les membres de gouvernement, ça saute, ça se recompose… mais presque toujours avec les mêmes types de profil, pour dire à peu près la même chose. Et le CDHSS, comme l’ANCMSP l’a relevé dans sa première analyse du Conseil actuel, ne fait pas figure d’exception.

Outre le rapport Supiot, qui préconisait d’améliorer les infrastructures, l’internationalisation et l’évaluation de la recherche en SHS en France, l’État avait commandé, en 2000, un rapport sur les SHS à l’anthropologue Maurice Godelier. Que dit le rapport Godelier de 2002 ? Que les SHS doivent bénéficier d’une ouverture plus grande sur l’Europe, et mieux s’articuler avec la demande sociale, ce qui demandera un effort mutuel aux scientifiques de ces disciplines et aux acteurs socio-économiques.

Que reste-t-il de ces rapports ? Pas grand chose. Les infrastructures de la recherche SHS sont constamment sous-dotées, au point de menacer de fermer : c’est le cas des MSH, sous-financées, en France, mais aussi des centres d’études français à l’étranger, (voir, par exemple, la pétition pour sauver le Centre Marc Bloch de Berlin, lancée en 2008). L’internationalisation n’a pas progressé : les chiffres du rapport 2006 de l’OST indiquent que la coordination et la participation de la France sur les projets européens est plus faible en en SHS qu’ailleurs. L’évaluation, enfin, y est hésitante, comme l’a montré l’ANCMSP dans son suivi de l’évaluation des disciplines SHS (et de leurs publications) par l’AERES. Un article récent de Christophe Charle sur l’organisation de la recherche en SHS en France fournit une synthèse de ce triste constat.

Aujourd’hui, des présidents d’universités appellent, sur le site Mediapart, à la création d’une structure de représentation pour les universités en SHS. Ils rappellent que l’insertion professionnelle de leurs filières est au niveau de celles des autres disciplines, ce qui ne signifie pas qu’elle soit bien brillante, comme l’ANCMSP le rappelait dans son compte-rendu du colloque “jeune chercheurs” de 2002 (voir aussi notre revue Système D n°13, avec également un résumé du rapport Godelier), et dans sa présentation à un autre colloque “jeunes chercheurs” plus récent, organisé lors de la présidence française de l’Union européenne en 2008 (voir notamment notre texte de synthèse). Comme les conseils, les colloques se suivent et se ressemblent beaucoup…

En bref, l’État devrait s’estimer déjà bien informé des réelles difficultés posées à la recherche en SHS en France : des infrastructures sous-dotées, une aide insuffisante à l’internationalisation, une évaluation de faible qualité, et des opportunités d’emploi insuffisantes dans le secteur public (enseignement supérieur et recherche, mais aussi haute fonction publique, comme l’avait remarqué le rapport SLR-JC/ANDès/CJC et le rapport Schwartz de l’Académie des Sciences en 2008) comme dans le secteur privé.