Vous trouverez ci-dessous un texte que nous a fait parvenir les doctorants et docteurs du CRAPE auquel le bureau de l’ANCMSP apporte un ferme soutien.
Rappel de certains points
1°) Le contexte : le ministère a décidé de privilégier le paiement des postes d’ATER à temps plein sans s’engager fermement à compenser le surcoût que représentent les demi-postes. La pression est dès lors forte sur les établissements employeurs pour réorienter leur politique de recrutement. L’ANCMSP n’a jamais souhaité une telle réforme et la regrette. Mais il s’agit aujourd’hui d’un état de fait, peu susceptible d’être modifié dans l’immédiat et dont il nous faut gérer les conséquences.
2°) Cette situation renvoie la responsabilité du choix de maintenir ou pas des demi-postes d’ATER sur les établissements. Certains ont déjà annoncé qu’ils maintiendraient des demi-postes, d’autres qu’ils ne recruteraient que des postes pleins. Il appartient donc aux doctorants et docteurs de se mobiliser localement afin d’infléchir les choix de leur direction et des organes délibérants. L’ANCMSP soutiendra ces mobilisations. Faites nous remonter ces mobilisations via notre mail : ancmsp@yahoo.com. L’ANCMSP appelle également les présidents de commission de spécialistes, ainsi que les associations-partenaires (AECSP et AFSP) à se sensibiliser au sort des doctorants et docteurs.
3°) Nous nous permettons de vous rappeler que la position de principe et de long terme de l’ANCMSP vise à promouvoir à terme une réduction de la durée des thèses vers 3 ans accompagnée d’une augmentation des financements. Lorsque ce cadre sera atteint, la question des demi-postes d’ATER ne se posera naturellement plus. Les postes d’ATER devront alors bénéficier en priorité aux docteurs.
4°) Dans l’immédiat, se pose la question des doctorants en fin de thèse, actuellement sur des demi-postes, qui risquent de se retrouver sans financement pour finir. C’est sur ces cas-là que doit se porter à notre sens l’effort collectif de la discipline, en reconduisent les demi-postes qui souhaiteraient l’être.
Déclaration d’intention des doctorants du CRAPE À l’égard de la suppression programmée des demi-postes d’ATER en science politique
Rennes, février 2006
En France, la structuration du milieu universitaire et de la recherche connaît actuellement des évolutions majeures, avec notamment la réorganisation du CNRS, la création de l’ANR et la mobilisation de Sauvons la Recherche (SLR) . Malgré la faible lisibilité de ces réformes, il en ressort une modification des conditions de financement de la recherche, qui comporte à la fois un risque de marginalisation des sciences sociales et des difficultés accrues pour les doctorants de ces disciplines, dans le cadre d’une discipline elle-même fragilisée par la tension entre les exigences croissantes de qualité et le tarissement de ses sources de financement. Parmi les dernières mesures en date, la décentralisation aux universités et aux IEP du financement des postes d’attachés temporaires d’enseignement et de recherche (ATER) modifie radicalement les conditions de financement et de réalisation de la thèse. Nous en subissons actuellement les conséquences en science politique à Rennes.
Les postes d’ATER sont des contrats d’un an renouvelables une fois, qui ouvrent des droits sociaux (droit au chômage notamment). Les demi-postes d’ATER (mi-temps payé 70 % du salaire temps plein) permettaient jusqu’à présent aux doctorants de terminer leur thèse dans des conditions matérielles correctes. Le transfert du financement de ces postes aux établissements implique un surcoût que ces derniers ne semblent pas prêts à assumer. La tendance est donc à la suppression des demi-postes pour les remplacer par des postes à temps complet. Les conséquences de ces mesures ne vont pas tarder à se faire sentir. Effectives dès la rentrée prochaine, elles vont plonger certains doctorants dans l’incertitude quant à la poursuite de leur thèse.
Loin d’être anodine, la suppression de demi-postes d’ATER ne nous semble pas souhaitable. Elle implique de profonds bouleversements autant dans le financement que dans le déroulement général des thèses en cours ou à venir. De manière générale, les conditions de travail des doctorants n’ont cessé de se détériorer et ce malgré le mouvement social amorcé en 2004 sous l’impulsion du collectif SLR. Les postes d’ATER permettent aux anciens allocataires et aux doctorants n’ayant pas bénéficié de financements dès le début de leur thèse de finir leur thèse dans des conditions acceptables. Supprimer des postes d’ATER revient à priver beaucoup d’entre nous de ressources financières indispensables à la continuation et à l’achèvement de la thèse.
Dégageant le temps nécessaire au travail de thèse, ce statut permet aux doctorants de jouer un rôle important dans l’édifice de la recherche : ils représentent une force de travail non négligeable et participent pleinement à la bonne marche et la vitalité de leurs laboratoires d’adoption. Réduire les opportunités de financement des thèses revient donc à fragiliser les laboratoires de recherche. Ce problème se pose de façon plus aiguë en sciences humaines et sociales du fait de la durée des thèses, qui se poursuivent au-delà des trois ans de financement garantis par l’allocation de recherche (définition et problématisation de l’objet, longues enquêtes de terrain par observations et entretiens ; recours croissant à la démarche comparative nécessitant une familiarisation culturelle et linguistique). Au regard des exigences actuelles du Conseil national des universités (CNU), il nous semble difficile de réaliser des thèses de la qualité attendue en seulement trois ans. La raréfaction de ces demi-postes d’ATER, principales sources de financement en fin de doctorat, va obliger à réduire la durée des thèses. De plus, leur transformation en postes à temps complet va augmenter la charge d’enseignement, nuisant ainsi à l’investissement dans le travail de recherche. Au total, cela implique une redéfinition profonde du parcours de thèse : notamment la durée de la thèse, le statut du doctorant ainsi que les conditions d’attribution des postes d’ATER pour lesquels se jouera une concurrence accrue. En l’état, il apparaît difficilement acceptable que les seules considérations financières, pour importantes qu’elles soient, prévalent face à des considérations d’ordre scientifique : nous ne pouvons agréer à une réforme du statut d’ATER qui, se substituant à la réflexion de la discipline sur elle-même, oriente vers ce genre de thèses courtes et fait la promotion d’un parcours accéléré et linéaire (de type allocation-soutenance-ATER-recrutement).
Enfin, la remise en cause des demi-postes d’ATER entre en contradiction avec les objectifs d’enseignement promus par la réforme LMD (Licence, Master, Doctorat). Celle-ci a parfois nécessité une véritable réorganisation, sinon une refondation des formations préexistantes, pour satisfaire à l’exigence de professionnalisation de l’enseignement du supérieur. Le Ministère a ainsi fortement incité les établissements à profiter de la réforme pour lancer de nouvelles formations. En toute logique, la création de ces nouveaux enseignements tendrait à valoriser le rôle traditionnel des ATER : l’accroissement des charges de cours qui devront être assurées pourrait bénéficier à la fois aux étudiants et aux doctorants. Si les premiers bénéficient d’un enseignement inspiré d’une recherche en cours, les seconds y trouvent une opportunité d’acquérir une solide expérience de l’enseignement, préalable incontournable à une éventuelle qualification et à un recrutement ultérieur. Or, la réduction du nombre de postes ou de demi-postes d’ATER étouffe précisément cette dynamique, au profit d’enseignants n’effectuant pas de recherches ou au prix de la précarité de doctorants recrutés comme vacataires.
Pour ces raisons convergentes, la suppression annoncée de nombreux demi-postes nous paraît un obstacle, non seulement au bon déroulement de la thèse, mais également à un enseignement et une recherche de qualité.
– Yann Bérard
– Marie Brandewinder
– Cécile Chartrain
– Carole Clavier
– Nathalie Dugalès
– Sylvie Foligné
– Yann Fournis
– Olivier Gautier
– Sébastien Guigner
– Nicolas Harvey
– Ariane Jossin
– Tudi Kernalegenn
– Bleuwenn Lechaux
– Arnaud Le Gall
– Adrian Mohanu
– Virgine Muniglia
– Sophie Rétif
– Céline Rothé
– Gaëlle Rougier
– Eugénie Saitta
– Valérie Sala Pala
– Olivier Tredan
– Véronique Vasseur