Le projet de loi présenté par le gouvernement, sous couvert d’un argument technique pour l’orientation des étudiant·e·s, constitue en réalité la première étape d’un projet de transformation radicale du système d’enseignement supérieur français, auquel l’ANCMSP s’oppose.
La réforme des conditions d’entrée à l’université pour la rentrée 2018 initiée depuis cet été par le gouvernement vise officiellement à lutter contre « le taux d’échec de 60% en licence » [1] et à « accompagner chacun vers la réussite ». À cette fin sont définis des pré-requis nationaux qui serviront de critères pour sélectionner les étudiant·e·s à l’entrée des filières. Autrement dit : plutôt que de motiver une politique ambitieuse d’accompagnement des étudiant·e·s les plus en difficulté, au nom de la démocratisation de l’enseignement supérieur, la question du « niveau » des étudiant·e·s est prise à l’envers afin de justifier leur relégation à l’extérieur ou aux confins d’une Université toujours plus détournée de ses missions.
Ces dispositifs ne manqueront pas en effet d’aggraver les logiques de sélection par l’origine sociale qui conditionnent d’ores et déjà l’accès et les chances de réussite dans l’enseignement supérieur . Cette réforme va accentuer la dualité inégalitaire du système d’enseignement supérieur français, entre les filières qui sont destinées aux étudiant·e·s les plus favorisé·e·s, qui bénéficient le plus des dépenses d’éducation, et qu’il n’est pas prévu de réformer ; et les filières qui resteront « à la portée » des élèves les moins dotés socialement, déjà sous-financées [2]. En tant qu’association défendant les intérêts des candidat·e·s aux métiers de la science politique — “candidats” (parce que “non-permanents”) mais néanmoins enseignant·e et/ou chercheur·e — , nous ne voulons pas d’un système universitaire qui contribue à durcir des frontières sociales déjà si étanches.
Le faux problème du « scandale du tirage au sort » dissimule le vrai problème de la stagnation des dotations publiques accordées aux universités malgré l’augmentation constante des effectifs étudiants. Restreindre l’accès à l’enseignement universitaire permet au gouvernement de masquer les difficultés financières des établissements et leurs conséquences : sous-dotation en enseignant·e·s-chercheur·e·s, manque des personnels techniques et administratifs, précarisation de ces personnels et dégradation générale des conditions d’emploi, de travail et d’étude.
Nous sommes enfin interdits devant la manière dont se structure la réponse de l’Université à cette proposition de loi. Avant même qu’elles soient mises en débat et votées, ces nouvelles procédures ont été rapidement expliquées à des instances éparses pourtant sommées de réagir dans l’urgence. Il en résulte des discussions éclatées et prises sur la base d’informations parcellaires et divergentes. En science politique, ces « attendus » ou « pré-requis » ont été établis sans concertation publique par la conférence des doyens de droit et de science politique, à laquelle nous ne reconnaissons pas de légitimité à orienter seule une politique nationale pour la science politique.
En somme, l’ANCMSP soutient et se joint aux mobilisations qui s’opposeront à l’introduction de la sélection à l’université. L’importance sociale d’un système universitaire ouvert doit appeler notre discipline à se mobiliser pour que celui-ci reçoivent les investissements indispensables à ce que chaque bachelier·ère puisse construire son avenir le plus librement possible, avoir accès à la filière qui lui sied (à l’université ou non) et bénéficier des ressources requises pour mener à bien ses projets.
[1] Un chiffre qui cache des réalités bien plus complexes
[2] 15110€ / an pour les élèves en CPGE, 10210€ / an pour les étudiant·es de la fac
motions ses sections de sciences politiques:
Motion de l’assemblée générale de la Section de Science Politique de l’université de Paris Nanterre
La Section de Science Politique de l’université de Paris Nanterre, réunie ce jour, réaffirme son attachement au libre accès des bacheliers à l’enseignement supérieur public et regrette les nouvelles modalités choisies pour l’organiser. Dans un contexte de croissance des effectifs étudiants et de difficultés financières de universités, le projet de loi, de réforme d’accès à l’université met en place des modalités déguisées
de sélection qui creuseront les inégalités entre étudiants et entre universités, tout en alourdissant les charges pesant sur les personnels administratifs et les enseignants chercheurs. La Section souhaite donc joindre sa voix aux protestations contre la loi et participera aux réflexions collectives visant à élaborer un véritable projet d’enseignement supérieur démocratique et de qualité. À ce titre, la Section de Science Politique de Nanterre refuse de mettre en œuvre des attendus spécifiques tant que le ministère n’aura pas précisé les moyens humains et matériels ainsi que les conditions réglementaires de sa réforme.
Motion de la Section de Sciences Politique de l’université de Lille :
Lors de sa réunion du 8 décembre 2017, la section de science politique de l’université de Lille a voté son soutien à la pétition de l’ASES à l’unanimité des 17 présents, moins une abstention.
Motion de l’assemblée générale des personnels de l’UFR de science politique de Paris 1 – 19 décembre 2017
Les universités ont à coeur d’accompagner, de former et de favoriser la réussite du plus grand nombre et s’y efforcent avec les moyens qui sont les leurs, dans un contexte de croissance du nombre d’étudiants dont les dotations ne tiennent pas compte.
Avant même d’envisager la mise en place de la réforme, le ministère doit accorder les moyens financiers, matériels et humains nécessaires.
L’assemblée générale des personnels de l’UFR de science politique de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne refuse de faire remonter des attendus spécifiques tant que le ministère n’aura pas précisé les conditions réglementaires de sa réforme. »
Le conseil de gestion d’UFR de sciences politique de Paris 1 Panthéon Sorbonne décide de ne pas remonter d’attendus pour le plan « parcours sup »