Déclassements et révocations en section 36 du CNRS : l’ANCMSP demande la démission du directeur de l’InSHS
Communiqué de l’ANCMSP – 20 janvier 2021
Le 7 octobre 2020 dernier, le Tribunal administratif de Paris a annulé le concours 2019 de Chargé de recherche de classe normale au CNRS en section 36 (sociologie et droit). Pour rappel :
1) Le motif : la rupture d’égalité devant le concours subie par le candidat requérant, induite par les pressions de la direction de l’Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) du CNRS sur le candidat et le jury d’admissibilité de la section 36.
2) Le contexte : trois années (2017-2019) de déclassements successifs opérés par l’InSHS sur deux candidats classés admissibles par la section 36 du CNRS (pour un historique : bilan 2019).
3) Les conséquences : un traitement odieux de ces deux candidats et la perte de leur réussite au concours pour les cinq chargé-es de recherche recruté-es en 2019 en section 36.
Dans un précédent communiqué, l’ANCMSP appelait le CNRS et en particulier l’InSHS à “revoir ses futures pratiques de recrutement, en garantissant un concours équitable aux candidat·e·s, sans rupture d’égalité ni déclassements abusifs”. Nous réitérons cet appel.
De plus, l’ANCMSP demande la démission de M. François-Joseph Ruggiu de ses fonctions de directeur de l’InSHS et de président du jury d’admission de l’InSHS.
Si la responsabilité du fiasco du concours 2019 et des déclassements comporte une dimension collective (les décisions du jury d’admission de l’InSHS sont prises collégialement), elle est particulièrement imputable à M. Ruggiu en sa qualité de président du jury d’admission d’une part, et d’initiateur de la rupture d’égalité sanctionnée par le Tribunal administratif d’autre part (voir les paragraphes 8 à 11 du jugement). Par conséquent, M. Ruggiu ne paraît pas à même de garantir le bon déroulement des concours futurs et se doit de démissionner.
De plus, même dans le cas où le jugement du Tribunal administratif de Paris serait renversé en appel, M. Ruggiu demeurerait en situation de partialité vis-à-vis des candidats déclassés de la section 36 compte tenu de ses différends avec eux. En effet, le Collège de déontologie du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) définit comme situation de partialité le fait d’avoir “pris des positions publiques très affirmées au sujet d’un-e candidat-e ou de sa candidature à un emploi” ou bien d’avoir ou d’avoir eu “des relations personnelles conflictuelles dégradées avec un-e candidat-e”. Cela nous semble être le cas.
Nous demandons aux organisations syndicales du CNRS, aux associations disciplinaires de la section 36, et aux membres de cette dernière de se positionner vis-à-vis de cet appel à démission.
De plus, comment garantir aux candidats déclassés en 2019 qu’ils seront traités équitablement par le jury de la section s’ils candidatent de nouveau ? Comment prévenir de potentiels mécanismes d’autocensure visant à ne pas classer les candidats admissibles par anticipation de nouveaux déclassements de la part de l’InSHS ?
Nous tirons la sonnette d’alarme auprès des membres du jury d’admissibilité de la section 36 à propos des problèmes potentiels à venir pour le concours 2021.
Pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de M. Ruggiu, les membres du jury d’admissibilité de la section 36 ou du jury d’admission de l’InSHS qui ont été impliqué-es dans le recours au Tribunal administratif, ou qui le sont dans la procédure d’appel, risquent de se trouver également en situation de partialité vis-à-vis des candidats déclassés si ceux-ci candidatent de nouveau. Dans ce cas, ces personnes devraient a minima se déporter dans l’examen du dossier des candidats déclassés lors de la prochaine session pour ne pas mettre de nouveau en péril le principe d’égalité entre les candidat-es du concours.
Ces questions doivent être traitées sérieusement afin de garantir le bon déroulement du concours 2021.
La direction du CNRS porte également une lourde responsabilité dans le fiasco du concours 2019 et dans les déclassements opérés les années passées. Dès février 2019, l’ANCMSP avait interpellé Antoine Petit (le PDG darwinien du CNRS) sur les pratiques de l’InSHS dans une lettre ouverte qui était restée sans réponse. Cette lettre pointait que les concours suivants ne pourraient pas “se tenir dans les conditions de légalité et de sérénité nécessaires” sans la démission de M. Ruggiu ainsi qu’un moratoire sur les déclassements. La suite nous a malheureusement donné raison…
Le MESRI n’est pas en reste non plus puisque le ministère semble plus occupé à organiser la pénurie des postes de chercheur-es titulaires au concours du CNRS, et ceci en dépit des belles promesses de la Loi de Programmation de la Recherche, qu’à veiller au bon déroulement du concours. Qu’attendent les autorités de tutelle du CNRS pour enquêter sur les pratiques de recrutement de l’InSHS, faire la lumière sur le fiasco de 2019, et prendre les mesures qui s’imposent ?
Pour finir, nous n’oublions pas que les cinq chargé-es de recherche recruté-es en 2019, puis révoqué-es à l’automne dernier, n’ont toujours pas réintégré leur corps.
Une proposition de loi, soutenue par des député-es de plusieurs groupes politiques, a été déposée à l’Assemblée nationale visant à remettre à l’ordre du jour la validation législative des cinq révoqué-es, suite à l’échec de cette procédure lors de l’examen du projet de loi de Finances 2021. Nous soutenons sans réserve cette proposition qui apportera une solution pérenne à ces cinq chercheur-es. Nous appelons les autres parlementaires ainsi que le MESRI à la soutenir également.
Le Bureau de l’ANCMSP