CNU 04: rapport 2010

La section 04 du CNU a publié son rapport sur la campagne de qualification 2010 : le nombre de candidats à la qualification et de qualifiés est en baisse par rapport à 2009, tout comme le taux de qualification.


Quelques remarques de forme

Le rapport CNU 2010, le premier de la nouvelle section CNU 04 renouvelée fin 2009, fait 45 pages, ce qui en fait un document d’information largement original et autrement plus complet que le rapport 2009 (6 pages) et le rapport 2008 (7 pages) [[Voir les dossiers qualification de l’ANCMSP pour l’année 2008 et l’année 2009.]].

Cet effort de précision et de transparence est un atout essentiel pour les candidats aux métiers de la science politique, que l’ANCMSP soutient et soutiendra lors des futures campagnes de qualification. Le rapport s’ouvre sur une présentation synthétique du CNU, de la section 04 et des objectifs de la section.

La recevabilité des dossiers

L’ANCMSP note que le CNU 04 continue à exiger une copie papier de la thèse lorsque celle-ci fait partie du dossier, ce qui n’est pas obligatoire mais “vivement recommandé”, sans que le rapport précise si des dossiers ont obtenu la qualification sans fournir de thèse.

Cette ambiguïté, de même que le refus de la suppression d’une procédure “100% papier” très coûteuse pour les candidats en l’absence de garantie effective de restitution des travaux, reste la même que lors des années précédentes.

Par ailleurs, le rapport 2010 entérine également la position précédente du CNU 04 sur les travaux distincts de la thèse, qui sont encouragés sans être obligatoires à la qualification. L’ANCMSP rappelle son analyse à ce sujet : cette position “traduit une hausse très forte des exigences qui pèsent sur les aspirants à la qualification depuis plusieurs années”, ce qui incite de nombreux candidats à accepter des tâches parallèles à leur recherche doctorale, souvent sous la forme de participation à des projets collectifs.

Cette position entérine également l’allongement de la durée entre le début de la thèse, dont la durée moyenne est maintenue à six ans (cf. infra.), et la date de qualification. Cet allongement n’est pas uniquement lié à la montée des exigences scientifiques : il est partiellement produit en amont par le manque de postes titulaires dans les universités, lesquelles continuent à recourir à des postes temporaires (et notamment les vacations) dans de nombreux cas où une position de titulaire serait nécessaire pour couvrir les besoins d’enseignement.

Paradoxalement, donc, les candidats aux métiers de la science politique se trouvent aujourd’hui face à des contraintes de professionnalisme plus fortes alors que leur chance de trouver un poste diminue avec l’accroissement des candidats et la stagnation du volume de postes, que l’ANCMSP suit depuis plusieurs années.

Ce paradoxe justifie, aux yeux de l’ANCMSP, un dialogue approfondi entre la section 04 du CNU et les associations représentatives de la science politique au sujet du contenu des thèses, et des parcours scientifiques des candidats aux métiers de la science politique.

Comme l’avait noté l’ANCMSP dans ses interventions aux précédentes Assises de la science politique, les parcours doctoraux et post-doctoraux de la discipline ont changé, de même que les exigences sur les thèses ; dans le contexte actuel, marqué par des injonctions contradictoires sur la durée et le volume des thèses, une nouvelle réflexion sur ces questions est devenue nécessaire.

La fin de la préférence nationale

Dans son examen des conditions de recevabilité, le CNU 04 confirme enfin une disposition souhaitée par l’ANCMSP suite aux précédents rapports : que les articles rédigés en langue anglaise puissent être envoyés sans traduction préalable aux rapporteurs.

En 2008, l’ANCMSP avait protesté contre la présence, dans le rapport du CNU 04, d’une disposition demandant la traduction des publications des candidats, à défaut de recevabilité du dossier.

En 2009, un membre du CNU s’était exprimé pour confirmer qu’en pratique, le CNU 04 appliquerait une sorte de politique du bon sens en acceptant les travaux en langue anglaise, mais cette règle restait à la discrétion du CNU 04, comme le confirmait le rapport 2009, qui reprenait mot pour mot le rapport précédent.

En 2010, le CNU 04 a réécrit intégralement son rapport, qui énonce à présent les nouveaux critères (page 10) :

a. Les articles publiés dans une langue étrangère, à l’exception de ceux publiés en anglais, doivent impérativement être accompagnés d’une traduction en français, même si cette traduction n’est pas exhaustive.

b. La section accepte que les articles publiés en anglais soient envoyés aux rapporteurs dans leur version originale, mais exige qu’ils soient accompagnés d’un résumé consolidé en français (entre 500 et 1 000 mots).

c. Enfin, toutes les thèses publiées dans une langue étrangère, quelle que soit la langue, doivent impérativement être accompagnées d’un résumé d’une quinzaine de pages en français.

L’ANCMSP se félicite que la section 04 du CNU ait choisi de clarifier la position de la section, et que sa position autorise à présent les nombreux candidats à publier en langue anglaise à ne fournir qu’un résumé consolidé en langue française.

Cette mesure va dans le sens de l’internationalisation des candidats aux métiers de la science politique et diminue la discrimination, supposée ou effective, contre les candidats étrangers ou “internationalisés” au sein de la discipline, alors même que le CNU encourage l’internationalisation des parcours scientifiques (page 14).

Les qualifications

En 2010, le nombre d’inscriptions et de candidatures effectives est en baisse, de retour au niveau de l’année 2007. Ce nombre n’augmente pas systématiquement chaque année, comme l’indique le graphique à la page 7 du rapport, où l’on observe que c’est plutôt le nombre d’inscriptions et de candidatures en 2009 qui fait exception à la tendance.

On assiste, en revanche, à une légère diminution du taux de qualification, à 31%, que la section CNU 04 attribue aux demandes de qualification issues de l’extérieur de la discipline — le taux de qualification pour les docteurs en science politique étant de 44% (page 25).

Les statistiques fournies par le rapport 2010 ne permettent pas de vérifier si ces variations sont systématiques ; de plus, le rapport souligne (page 19) que sa méthode de calcul du taux de qualification varie inexplicablement de celle du ministère : plus exactement, le ministère surestime le taux de qualification par rapport à la section CNU 04, de manière significative [[On pourrait écrire l’observation dans l’autre sens : la section 04 sous-estime le taux de qualification par rapport au ministère. Cette écriture fait moins immédiatement sens ; quelle que soit la direction de l’hypothèse, la variation est statistiquement significative à p < .05 (t-test sur les années 2008--2010).]]. Les candidats ne sont pas égaux devant la qualification, en fonction de leur cursus universitaire : la prééminence de certains établissements, par exemple, se maintient ainsi avec un taux de qualification de 50% à l’IEP de Paris et dans les IEP de province, et de 46,7% à Paris 1 (page 28). À l’inverse, les docteurs étrangers ne sont que 21% à se qualifier, tous parcours confondus (page 22).

Le rapport du CNU 04 souligne d’autres variations, notamment sur l’âge et sur le sexe des qualifié(e)s, mais les statistiques livrées dans le rapport ne permettent pas d’effectuer les tests de significativité nécessaires pour déterminer si ces variables sont effectivement prédictives de la qualification. Le CNU 04, de même que le reste du CNU, n’a jamais communiqué ces données, de même que les départs à la retraite, pourtant essentiels pour mesurer l’accroissement ou la diminution réelle du nombre de postes dans la discipline en rapport au nombre de postes créés chaque année, restent inconnus des candidats.

On notera toutefois que certains écarts statistiques laissent entrevoir l’influence des conditions de travail sur la qualification, avec seulement 12% des docteurs non financés pendant leur thèse ayant obtenu la qualification.

Mis en rapport à la durée moyenne des thèses, cette observation témoigne de l’immense imperfection du marché universitaire actuel, qui produit majoritairement des docteurs âgés ayant travaillé pendant longtemps sans ressource financière, et dont les chances de recrutement en milieu universitaire sont dramatiquement limitées par le manque de postes. Cette même observation a des conséquences négatives pour les carrières extra-universitaires des docteurs, qui ne sont pas avantagées par l’absence de politique pro-active de la discipline dans ce domaine.

La durée des thèses maintenue à 6 ans

À la lecture du rapport, on remarque que la durée moyenne des thèses qualifiées se maintient à six ans, avec une moyenne de 6,1 ans chez les candidats à la qualification. Il s’agit donc pour les candidats de faire le grand écart entre d’une part les exigences du CNU, et de l’autre la politique d’un nombre grandissant d’écoles doctorales qui refusent les réinscriptions en thèse après la quatrième année. Mécaniquement, l’âge des candidats est marqué par ce critère, avec un âge moyen de presque 32 ans à la qualification, comme dans les autres sections CNU.

Ces moyennes confirment la nécessité, évoqué plus haut, d’une réflexion sur le contenu des parcours scientifiques en science politique : est-il concevable qu’en science politique, les candidats arrivent sur le marché universitaire après 30 ans ?

Cette question se pose également en rapport à l’âge moyen d’entrée dans d’autres secteurs professionnels, si l’on souhaite réellement réfléchir aux perspectives de carrière extra-universitaire pour les docteurs de la discipline : en France, où l’on ne dispose pas de statistiques sur l’âge moyen d’entrée dans la fonction publique, cet âge était toutefois estimé par les services ministériels à 26.1 ans pour les hommes et 25.6 ans pour les femmes en 1999, sans variation notable depuis 1990 [[OCDE, La structure de l’emploi dans la fonction publique de sept pays de l’OCDE, 1999, page 25.]].

L’ANCMSP, qui défend plusieurs positions sur les conditions de travail et sur le recrutement des candidats aux métiers en science politique, mène depuis quinze ans une réflexion d’ensemble sur ces questions. Ses revendications sur le financement et la durée des thèses, élaborées et défendues au-delà de la science politique au sein de la Confédération des Jeunes Chercheurs (CJC), doivent permettre une amélioration des conditions d’emploi et de travail pour les jeunes chercheurs en science politique, quels que soient leurs perspectives de carrière.

L’ANCMSP sera présente pour défendre ces revendications aux prochains rendez-vous de la discipline, notamment au Salon des thèses et aux Assises de la science politique dont elle demande l’organisation au cours de l’année prochaine en présence de l’AFSP, de l’AECSP et de la section 04 du CNU.