Che·re·s collègues,
Nous avons longuement hésité à écrire un communiqué pour cette rentrée. Pour tout vous dire, la fatigue est bien présente, fatigue à laquelle s’ajoutent le dégoût et la colère alors que la LPPR a été piètrement “examinée” en commission puis adoptée en séance par une Assemblée Nationale aux ordres. Après un an de plaidoyer, de mobilisations, de grèves, de manifestations interrompues par la crise sanitaire, d’efforts pour la “continuité pédagogique”… nous avons vraiment l’impression de pisser dans un violon.
Face à un gouvernement qui refuse la concertation avant d’adopter une loi qui organise une décennie dans l’ESR, les seuls modes d’action efficaces qui demeurent sont la grève, la rétention des notes ou le blocage. La grève reste un moyen central pour exprimer une désapprobation politique, dégager du temps pour la discussion et l’action collectives, et avoir un impact. Pour autant, le contexte est particulièrement difficile du fait de la crise sanitaire et de la précarité qui s’accroît. Comment choisir entre les étudiant·e·s d’aujourd’hui et celles·eux de demain, qui subiront les conséquences de la LPPR ?
La LPPR a été votée à l’Assemblée, mais il reste des choses à faire et à obtenir. Tout d’abord, participer en masse à la manifestation du 13 octobre. Notre objectif reste toujours le retrait de la loi, ou sa modification profonde, et seule une démonstration de nombre pourra permettre de faire pression, a minima auprès du Sénat.
De manière plus réaliste, un plaidoyer ciblé auprès du Sénat, pour “limiter la casse”, ce dont nous vous parlons plus bas. Il faudra ensuite, si la loi passe au Sénat, travailler sur les décrets d’application.
A côté de ces actions nationales, nous vous annonçons que nous relançons l’action pour l’amélioration des conditions de travail des vacataires, à travers un mode d’action plus local, pour bien commencer cette année qui s’annonce belle et radieuse.
LPPR : la loi passe à l’Assemblée, mais le travail n’est pas fini.
La loi de programmation pluriannuelle pour la recherche a été votée à l’Assemblée nationale. Voici la version du texte adoptée avec les amendements. Sans revenir sur des amendements plus ineptes les uns que les autres (tels que le paiement des doctorant·es en “coupons”) ou les graves mesures prises par la LPPR (on en a déjà parlé pour dénoncer ses limites, prendre position sur les mesures proposées, définir les mesures qui nous paraissent nécessaires, et avec la CJC pour analyser les différents volets de la loi et proposer des amendements précis aux différents stades du projet de loi (voir annexe 2), les prochaines étapes sont le passage au Sénat, puis les décrets d’application de la loi qui seront rédigés par le Ministère.
Signalons tout de même les deux seules (modestes) avancées introduites dans le texte adopté par l’Assemblée par rapport à la version originale du texte : d’une part la mensualisation du paiement des enseignant·e·s vacataires (mais pour 2023 !), d’autre part l’introduction d’une durée minimale d’un an pour les contrats postdoctoraux (même si nous demandions deux ans). Deux petits pansements donc sur la jambe de bois de l’ESR, qui se trouve toutefois de plus en plus vermoulue, puisque la LPPR telle qu’adoptée par l’Assemblée contient toujours de nombreux points problématiques : insuffisance globale du budget de l’ESR, calendrier budgétaire trop distendu, concentration des crédits de recherche sur l’ANR, stagnation des postes permanents, trop faible augmentation des financements doctoraux, nouveaux statuts précaires (contrat doctoral en entreprise, contrat postdoctoral, CDI de mission) aux conditions salariales et d’emploi médiocres.
A notre sens donc, la LPPR ne répond à aucun des enjeux centraux de l’enseignement supérieur et de la recherche aujourd’hui, et ne permettra pas de lutter contre la précarité, voire la renforcera. En particulier, la LPPR ne permettra pas aux vacataires d’être payé·e·s au dessus du SMIC, ou d’assurer un financement à tou·te·s les doctorant·e·s (5000 d’entre elles et eux démarrent un doctorat sans financement dédié).
Nous aurions préféré être en mesure de nous opposer entièrement à la loi, mais en l’état actuel du rapport de force, et sauf manifestation monstre le 13 octobre, nous soutenons l’action de la CJC et vous proposons en annexe 1 un kit de plaidoyer et un modèle de courrier, et en annexe 2 des amendements à porter au Sénat : n’hésitez pas à contacter les sénateurs et sénatrices pour défendre ces amendements. Pour constituer une base de données des soutiens à ces amendements et vous tenir informé·e·s de l’avancée de cette action de plaidoyer, nous vous invitons à nous tenir au courant de vos actions à bureau(a)ancmsp.com. Aucun amendement ne résoudra tous les problèmes de la LPPR, loin s’en faut. Il s’agit uniquement de “limiter la casse”, ce qui toutefois n’empêche pas de continuer à se mobiliser pour le retrait de la loi.
Ce qu’une loi a fait, une autre peut le défaire : organisons-nous !
Si les prochaines échéances sont la loi des finances 2021, puis l’élection présidentielle en 2022, nous devons nous organiser de manière pérenne afin de faire revoir à la hausse les financements, obtenir une augmentation du nombre de postes, augmenter le nombre de contrats doctoraux, aller vers de meilleures conditions pour les contrats post-doctoraux, revoir les conditions d’accueil des doctorant·e·s et chercheur·ses étranger·e·s, etc…
La mobilisation a vu naître ou renaître des collectifs locaux et des organisations à l’échelle nationale, souvent avec une organisation informelle. Du côté des enseignants et chercheurs non-titulaires, nous aimerions inviter les collectifs de précaires, collectifs disciplinaires ou comités de mobilisation constitués à l’échelle locale ou nationale, à se constituer en associations (afin de pérenniser l’expertise militante acquise) et à rejoindre la Confédération des Jeunes Chercheur-ses (afin de mutualiser nos forces), ou à se syndiquer ou monter une section syndicale locale. La formalisation des collectifs nous paraît nécessaire pour continuer à plus long terme les actions de soutien aux précaires, de plaidoyer et d’organisation de l’action collective. Nous vous contacterons prochainement pour en discuter. N’hésitez pas à nous écrire directement (bureau@ancmsp.com).
Le gouvernement n’écoute pas… alors travaillons à construire un rapport de force national à travers des actions locales.
Il est très, très frustrant de n’arriver à (presque) rien au niveau national. Malgré les multiples réunions avec le ministère, les auditions parlementaires ou au CESE, ou encore la production d’argumentaires construits et étayés, le gouvernement fait la sourde oreille. Si l’action à l’échelle nationale reste centrale, l’instauration d’un rapport de force dans les universités peut utilement soutenir les actions entreprises au niveau national. Nous avons décidé cette année de nous concentrer sur les vacataires, puisqu’ils et elles sont absent·e·s (ou presque) de la LPPR. Pour rappel, nous demandons depuis belle lurette la suppression du statut d’Attaché Temporaire Vacataire (ATV), la contractualisation de tou·te·s les vacataires (avec mensualisation et droits sociaux), la revalorisation de la rémunération, la prise en charge des frais de transport, et la fin du travail gratuit (corrections, surveillances, réunions…).
En ce qui concerne le plaidoyer, le questionnaire sur les conditions de travail des vacataires, qui a circulé l’année dernière, nous fournira des éléments pour défendre deux objectifs :
- faire abroger le statut d’ATV et obtenir le recours obligatoire à des contrats d’enseignement pour les vacataires ;
- faire évoluer les conditions de rémunération pour qu’elles reflètent la réalité du travail réalisé.
A l’échelle locale, nous lançons deux actions pour lesquelles nous aurons besoin de votre soutien :
- un plaidoyer intensif pour la contractualisation, à mener auprès des universités et établissements recruteurs ;
- une demande collective de remboursement partiel des frais de transport pour les enseignant·e·s vacataires, afin de faire appliquer partout en France la décision du Conseil d’Etat.
Si les 140 000 vacataires arrêtaient de travailler, l’université s’arrêterait vraiment. Alors que vous soyez vous-même vacataire, doctorant·e contractuel·le, post-doctorant·e, ou fonctionnaire, aidez-nous à faire changer les choses ! Nous publierons prochainement sur cette liste et sur les réseaux sociaux le détail des actions. Si vous êtes adhérent·e de l’ANCMSP, vous pouvez aussi rejoindre nos groupes de travail pour nous aider directement (sinon, vous pouvez adhérer ici).
Enfin, un dernier rappel concernant les prolongations de contrats (doctoraux et post-doctoraux) à la suite de la crise sanitaire : vous avez jusqu’à la fin de l’année pour déposer vos demandes. N’hésitez pas à nous tenir informé·e·s des décisions prises localement.
Bon courage et ne baissons pas les bras !
Le Bureau de l’ANCMSP